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Les gangs des postiches

Une nouvelle opposition aussi insolite qu’incapacitante a pris le relais de l’opposition classique. Des anonymes prennent le temps de s’asseoir tous les jours derrière un ordinateur et se donnent un nom. 

Classe de sous-fifres, autoproclamés redresseurs de torts, des Anonymous de la petite semaine, Don Quichotte à leurs heures perdues, ils rabâchent des contre-vérités ou des analyses insipides à longueur de live. Le niveau qu’il déploie sied à beaucoup d’adolescents avec lesquels ils partagent le palier intellectuel. 

Nuisibles et préjudiciables par la faute de leurs « suiveurs », ils s’affublent de tous les qualificatifs imaginables.    

Beaucoup de termes ont été mis sur rails, et comme un fourre-tout à la Prévert, utilisés à tort et à travers : lanceurs d’alerte, cyberjournalistes, parajournalistes, cyberactivistes, etc. Des termes galvaudés, d’apparat, mais qui mis à l’épreuve, ne veulent rien dire. 

En fait, le statut de lanceur d’alerte est un terme trop important pour être collé aux youtubers et facabookers qui font des numéros de cirque pour adolescentes ébahies et que personne, parmi les gens doués de raison, n’écoute ni n’ajoute foi à leurs contorsions. Car lancer une alerte c’est mettre la population, une corporation de métier ou une communauté en état de veille par rapport à un événement trop important pour être passé sous silence ou qui pourrait mettre la vie des gens en danger.

Nous sommes en réalité, en face aux enfants de la matrice, des gens nés avec l’avènement d’Internet et qui n’ont de raison d’être que devant un ordi ; c’est leur monde propre et leur univers fermé qu’ils ne quittent pratiquement jamais. Otez-leur le Smartphone ou le PC et observez comment ils perdent tout contrôle de soi et tout lien avec les réalités réelles. 

Pis encore, sortis dans la rue, ils s’aperçoivent vite combien la distance est grande entre le monde virtuel et le monde réel, qu’ils ne comprennent ni ne maîtrisent. 

   80% de ceux qui sont nés dans le tournant des années 1995-2000 ont grandi sous l’ombre d’Internet-Tout-Puissant. Par un curieux concours de circonstances, les prix du baril sur les marchés pétroliers grimpèrent à plus de 110 dollars et l’Algérie se trouva lovée sur un épais matelas financier. Le train de vie mené alors pendant plus d’une décennie eut l’effet de remodeler cette jeunesse sur des moules factices. 

La génération Z a grandi dans cet utopique contexte qui fait d’un jouvenceau anonyme un héros du jour, avant de disparaître des écrans pour laisser place à un tout autre freluquet. 

Experts en tout, experts en rien, ils ont la réponse sur les réseaux sociaux à toutes les questions que nous posent l’actualité ; aucun d’eux n’a jamais reconnu que le sujet le menait hors de son champ de compétence et qu’il se défendait de ce fait d’avoir à répondre à de telles questions. Multi-usages et multi-facettes, ils sont capables de tours de passe-passe que permet l’instantanéité d’Internet, c’est-à-dire la capacité de dire la chose et son contraire. 

Le problème est un véritable phénomène de société, à l’heure où les gens ne lisent plus de livre, ne consultent plus les volumineux chapitres et exégèses de jadis, et où les followers suivent les plus excentriques et non pas les plus compétents. 

C’est le « gang des postiches » qui se met en place, qui embrouille les voies de communication pour tromper les plus simples d’entre les crédules. 

C’est un problème de salubrité publique que de dénoncer ce genre de faux informateurs qui agissent par biais, en s’appuyant sur toute la panoplie que permet le monde virtuel. Faux nez, fausses barbes et fausses informations : c’est l’ère pitoyable et dangereuse à la fois des gangs des postiches. 

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