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Nabil Djemaâ, spécialiste en finances: «L’Algérie peut absorber les 36 milliards de dollars d’investissements chinois»

Nabil djemaâ, spécialiste des questions financières souligne, dans cet entretien, que l’Algérie, en devenant actionnaire de la Banque de Développement des Brics, peut accéder à des financements pour ses projets. Cette banque, relève-t-il, dispose d’une réserve de 100 milliards de dollars.

L’EXPRESS : QUELLE EST VOTRE APPRÉCIATION SUR LA PROPOSITION ALGÉRIENNE DE CONTRIBUER À HAUTEUR DE 1,5 MILLIARD DE DOLLARS AU CAPITAL DE LA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DES BRICS?

Nabil Djemaâ : En tant qu’expert financier et économique international, j’apprécie grandement la proposition algérienne. Cependant, je peux vous dire que la proposition algérienne de contribuer à hauteur de 1,5 milliard de dollars au capital de la Banque de développement des BRICS est une décision qui peut être perçue comme une volonté de renforcer les relations économiques et financières entre l’Algérie et les pays membres des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).

Cette contribution pourrait également bénéficier à l’Algérie en lui permettant d’accéder à des financements pour ses projets de développement Cependant, l’impact réel de cette proposition dépendra de la manière dont les fonds seront utilisés et des conditions de prêt qui seront mises en place.

Dans le schéma préconisé, l’objectif premier est d’offrir à notre pays un financement alternatif aux autres grandes institutions internationales existantes. On a affaire à un vrai établissement financier Elle a été fondée par les cinq membres des BRICS et elle est dotée d’une réserve de change de cent milliards de dollars (41 milliards ont été apportés par la seule Chine).

Une vraie force de frappe pour se protéger en cas de nouvelle tempête financière ou pour financer tout simplement des projets de développement. Une banque tout aussi importante sur le plan économique que géopolitique

PENSEZ-VOUS QUE L’ALGÉRIE PEUT ABSORBER DANS LES DÉLAIS LES 36 MILLIARDS DE DOLLARS D’INVESTISSEMENT CHINOIS ANNONCÉS PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ?

En tant qu’expert, je peux confirmer que l’Algérie peut naturellement absorber ce volume d’investissement de 36 milliards de dollars puisque l’Algérie actuellement avec les projets prévus d’investissement tous secteurs confondus Sont évalués à plus de 400 milliards de dollars pour couvrir nos besoins d’investissement manquants et essentiels au développement de notre pays et nous pouvons estimer la capacité de notre pays à absorber un certain montant d’investissement dépassant commodément les 400 milliards

Cependant, l’absorption d’un investissement de cette ampleur dépend de plusieurs facteurs tels que la stabilité politique et économique, les politiques et stratégies d’investissement en place, la capacité du pays à attirer des investisseurs étrangers, etc. Il serait donc important pour l’Algérie de mettre en place dès à présent les conditions nécessaires pour attirer et absorber cet investissement chinois, notamment en veillant à la transparence des procédures, à la protection des droits des investisseurs et à la promotion d’un environnement des affaires favorable et positif et selon les normes pratiquées à l’international.

POUR QUELS MODES DE FINANCEMENT ADÉQUATS L’ALGÉRIE DOIT OPTER POUR FINANCER CES IDE SANS ALOURDIR SA DETTE EXTÉRIEURE?

Pour financer ses IDE (Investissements Directs Étrangers) sans alourdir sa dette extérieure, l’Algérie peut envisager plusieurs modes de financement adéquats :

Partenariats public‐privé (PPP) : l’Algérie peut encourager les partenariats entre le secteur public et le secteur privé pour financer ses IDE. Cela permettrait de mobiliser des ressources privées tout en partageant les risques et les bénéfices avec les investisseurs étrangers.

Fonds souverains : l’Algérie peut créer un fonds souverain dédié au financement des IDE. Ce fonds pourrait être alimenté par les excédents budgétaires, les revenus du pétrole ou d’autres sources de financement interne. Il permettrait de mobiliser des ressources nationales pour soutenir les investissements étrangers.

Incitations fiscales et réglementaires : l’Algérie peut mettre en place des incitations fiscales et réglementaires attractives pour les investisseurs étrangers. Cela pourrait inclure des exemptions fiscales, des avantages douaniers, des facilités administratives, etc. Ces mesures incitatives peuvent encourager les IDE sans recourir à un endettement extérieur accru.

Coopération internationale : l’Algérie peut rechercher des partenariats et des accords de coopération avec d’autres pays, organisations internationales ou institutions financières pour obtenir un soutien financier et technique pour ses IDE. Cela pourrait inclure des lignes de crédit, des subventions, des programmes d’assistance technique, etc.

Mobilisation des ressources internes : l’Algérie peut chercher à mobiliser des ressources internes supplémentaires pour financer ses IDE. Cela peut être réalisé en améliorant la collecte des recettes fiscales, en réduisant les dépenses non essentielles, en luttant contre la corruption et en promouvant une gestion efficace des ressources publiques.

Il est important de souligner que chaque pays a ses propres contraintes et opportunités en matière de financement des IDE. L’Algérie devrait donc évaluer ses besoins spécifiques, ses priorités économiques et ses capacités financières avant de choisir les modes de financement les plus appropriés.

LE PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ EST-IL UNE FORMULE FINANCIÈRE ADÉQUATE POUR FINANCER LES GRANDS PROJETS D’INFRASTRUCTURE EN ALGÉRIE?

Le partenariat public‐privé (PPP) est une formule financière qui peut être utilisée pour financer les grands projets d’infrastructure en Algérie, tout comme dans de nombreux autres pays. Cependant, l’adéquation de cette formule dépend de plusieurs facteurs spécifiques à l’Algérie.

Avantages potentiels du PPP en Algérie :

Financement : le PPP permet de mobiliser des ressources financières privées pour financer les projets, ce qui peut soulager la pression sur les
finances publiques.

Expertise technique : les partenaires privés peuvent apporter leur expertise technique et leur expérience dans la réalisation de projets d’infrastructure, ce qui peut contribuer à une meilleure exécution et gestion des projets.

Transfert de risques : dans un PPP, une partie des risques liés au projet est transférée au partenaire privé, ce qui peut réduire le risque pour le gouvernement et les contribuables. Cependant, il y a aussi des défis potentiels à prendre en compte:

Capacité institutionnelle : la mise en place et la gestion de PPP nécessitent une capacité institutionnelle solide, y compris des compétences en matière de réglementation, de négociation de contrats et de suivi des projets.

Transparence et lutte contre la corruption : il est essentiel de mettre en place des mécanismes de transparence et de lutte contre la corruption afin d’éviter tout abus ou favoritisme dans la sélection des partenaires privés et dans la gestion des projets.

Risque de coût élevé : dans certains cas, les projets financés par PPP peuvent entraîner des coûts plus élevés pour les utilisateurs finaux, ce qui peut poser des problèmes d’accessibilité et de soutenabilité financière.

Il est donc important d’évaluer soigneusement les avantages et les défis spécifiques à l’Algérie avant de décider d’utiliser le PPP comme formule financière pour financer les grands projets d’infrastructure. Cela nécessite une analyse approfondie des capacités institutionnelles, des besoins financiers et des risques potentiels, ainsi que la mise en place de mécanismes de gouvernance solides pour assurer la transparence et la responsabilité.

PENSEZ-VOUS QUE LES BRICS PEUVENT REMETTRE EN CAUSE L’HÉGÉMONIE DU DOLLAR DANS LE SYSTÈME FINANCIER MONDIAL?

En tant qu’expert, je peux vous donner mon opinion modeste personnelle et professionnelle. Toutefois, je peux vous procurer des informations importantes. Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) sont des économies émergentes qui ont connu une croissance rapide ces dernières années. Ils ont exprimé leur intérêt à réformer le système financier mondial et à réduire la dépendance au dollar américain. Ils ont créé leur propre banque de développement, la Nouvelle Banque de Développement (NBD), pour financer des projets d’infrastructure dans les pays membres et d’autres pays en développement.

Bien que les BRICS aient augmenté leur influence économique, il est clair d’admettre aujourd’hui qu’ils pourront facilement et aisément remettre en cause l’hégémonie du dollar dans le système financier mondial à court terme. Le dollar, c’est vrai, est resté depuis Bretton Woods et même après la guerre du Vietnam la principale monnaie de réserve et de transaction dans le monde, mais l’heure de son déclin a sonné.

Nous constatons avec la situation géopolitique et la dette américaine qui avoisine 31 trillions ainsi que la récession économique mondiale et la fin de la mondialisation et la mauvaise coordination internationale peuvent mettre définitivement en cause l’hégémonie et la fin progressive du dollar comme monnaie prédominante dans le système financier mondial.

LES TRANSACTIONS FINANCIÈRES AVEC LA CHINE DOIVENT-ELLE SE FAIRE EN YUANS ?

Les transactions financières avec la Chine peuvent se faire en yuans, mais elles peuvent également être effectuées en d’autres devises telles que le dollar américain ou l’euro. Cela dépend des préférences et des accords entre les parties impliquées dans la transaction. Il est important de noter que la Chine encourage l’utilisation du yuan dans les transactions internationales afin de promouvoir son statut de devise internationale.

QUE PRÉCONISEZ-VOUS POUR METTRE EN CONFORMITÉ NOTRE SYSTÈME FINANCIER ET BANCAIRE AUX STANDARDS INTERNATIONAUX ET POUVOIR AINSI CONTRIBUER À RENFORCER NOTRE CANDIDATURE À L’ADHÉSION AUX BRICS?

Pour mettre en conformité notre système financier et bancaire aux standards internationaux et renforcer notre candidature à l’adhésion aux BRICS, je suggère de prendre en compte les recommandations suivantes : renforcer la réglementation, mettre en place des règles et des réglementations solides pour garantir la transparence, la stabilité et la responsabilité dans le secteur financier et bancaire, s’assurer que ces règles soient conformes aux normes internationales, telles que celles établies par le Groupe d’action financière (GAFI) et d’autres organismes internationaux pertinents, renforcer la supervision et le contrôle, établir un système de supervision et de contrôle efficace pour surveiller les activités des institutions financières et bancaires.

Cela inclut la mise en place d’une autorité de régulation indépendante dotée de ressources adéquates et de pouvoirs de sanction. Il faut également promouvoir la transparence financière : encourager la transparence financière en exigeant des institutions financières et bancaires qu’elles fournissent régulièrement des informations complètes et précises sur leurs activités. Cela permettra de renforcer la confiance des investisseurs et des partenaires internationaux.

Il y a aussi nécessité de renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme : mettre en place des mesures robustes pour prévenir et détecter le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cela comprend la mise en œuvre de procédures
de diligence raisonnable renforcées et la collaboration avec d’autres pays pour échanger des informations sur les transactions suspectes.

Il est en outre recommandé de favoriser l’inclusion financière : développer des politiques et des initiatives visant à promouvoir l’inclusion financière, en particulier pour les populations sous‐bancarisées ou non bancarisées. Cela peut inclure la promotion de services financiers numériques, l’élargissement de l’accès aux services bancaires de base.

Il est enfin préconisé de renforcer la coopération internationale : collaborer avec d’autres pays et organismes internationaux pour échanger des informations et des bonnes pratiques, ainsi que pour renforcer la coopération en matière de réglementation et de supervision financière.

En mettant en œuvre ces mesures, vous contribuerez à mettre notre système financier et bancaire en conformité avec les standards internationaux, ce qui renforcera notre candidature à l’adhésion aux BRICS et favorisera la confiance des investisseurs et des partenaires internationaux.

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