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Amar Belkhodja, L’apprenti maçon devenu Docteur Honoris Causa et historien de référence

Parti à la recherche de Amar Belkhodja, grand historien vivant en anachorète à Tousnina, à Tiaret, Douba Fairouz-Fouzia, elle-même enseignante de français et chercheuse, a eu le mérite de dépoussiérer les archives, de bousculer l’actualité, pour faire de la place qu’on a enterré avant sa belle mort.

Elle en parle, pour l’Express, avec une affection non feinte : «Titulaire d’un certificat d’études obtenu en 1956 avec un zéro en histoire dans une école pour indigènes, Amar Belkhodja est aujourd’hui chercheur en histoire, respectable, et c’est aussi un homme élégant, capable de céder sa place à autrui dans un bus, dans un taxi ou sur les bancs d’une université. Son verbe est, comme ses tenues, sobre et direct.

«Docteur Honoris Causa décerné par l’université Ibn Khaldoun Tiaret 2017, ancien journaliste à El Moudjahid, il réside à Tiaret où il se consacre à la recherche historique. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont «Colonialisme, les crimes impunis». «Ancien membre du bureau national de la Fondation du 8 Mai 1945, initiateur de la Journée nationale de l’artiste, auteur d’une quarantaine d’ouvrages sur la révolution de l’Emir Abdelkader, le mouvement nationaliste, la guerre d’indépendance et biographies de personnalités politiques et culturelles.

Une vingtaine d’ouvrages de sa production intellectuelle et historique figurent aujourd’hui comme référence citée par des historiens nationaux et étrangers «En deux mots, c’est un amoureux de la lumière blanche, celle du matin, des frimas, du chuintement du jour ou du friselis qu’ignore le soir.

«C’est un lève‐tôt qui pré‐
cède la voix du muezzin ; il sait
parfaitement le bruit du pas
hâtif du travailleur angoissé par
l’absence d’un tortillard sur le
quai d’une gare ; il sait à la fois
le sordide et la geste de son
peuple harcelé hier par des
paras français et aujourd’hui
par le poids de bureaucrates
aux ventres pansus et bedon‐
nants. Il sait, car c’est un obser‐
vateur intransigeant, et com‐
ment ne sait‐il pas lui qui n’a
jamais passé son bac, qui n’a
jamais obtenu le moindre titre
universitaire ? Voilà un déli‐
cieux paradoxe, car cet homme
à la modestie proverbiale est
l’auteur d’une vingtaine de
publications. Lisez‐le et vous
saurez son parcours. «Comment
ne sait‐il pas, lui l’apprenti
maçon, le vendeur de pièces
détachées, le simple facturier et
puis, bien plus tard, le journalis‐
te et chercheur en histoire ?
«C’est grâce à son travail que
journalistes, écrivains et roman‐
ciers ont découvert les textes du
défunt Himoud Brahimi, dispa‐
ru dans l’anonymat et le silence
total. Ce poète et romancier
présenté dans le livre « Momo »
ainsi que d’autres figures natio‐
nalistes, comme Ali El Hamami
et Ali Maâchi, qui ont été ressus‐
cités pour avoir droit à la recon‐
naissance nationale.
«Une vie éternelle dans les
livres d’Amar Belkhodja, d’au‐
tant plus c’est grâce à lui que
nous avons eu le bonheur de
lire ce qu’a écrit Momo sur le
docteur et psychiatre Franz
Fanon. «En se consacrant aux
recherches académiques et uni‐
versitaires, Amar Belkhodja a
pu produire une dizaine de
livres dans le domaine de l’his‐
toire, et essentiellement l’his‐
toire coloniale de l’Algérie ; les
titres de ses livres et la lecture
du contenu de certains pas‐
sages laissent penser que l’au‐
teur a fait serment à nos
ancêtres de faire jaillir la lumiè‐
re sur les atrocités, les actes inhu‐
mains et les crimes horribles
commis par l’armée coloniale de
l’Empire colonial français en
Algérie. Aussi, l’écriture histo‐
rique et universitaire d’Amar
Belkhodja représente de notre
point de vue une forme de
dénonciation et une tentative
courageuse et saine pour répa‐
rer l’irréparable. Une révolte
d’escrimeur dans les phrases et
les textes pour attirer l’atten‐
tion des humains afin de savoir
et de connaître les actes inhu‐
mains que même les régimes
dictatoriaux et féroces n’ont pu
imaginer. Faire ce que le colo‐
nialisme français a fait en Algé‐
rie, un système d’apartheid
conçu et pratiqué au nom d’une
colonisation civilisatrice,
explique Amar Belkhodja.
«Je ne terminerais pas mon
récit sans préciser un dernier
détail : Amar Belkhodja est
aussi poète ; son recueil s’intitu‐
le «la Passion de l’autre» ; vous
avez bien lu dans la Passion de
l’autre, cet Algérien écrasé par
un colon dominateur, ce mili‐
tant de la Révolution au début
des années 50, ces paysans ané‐
miés, squelettiques et déchar‐
nés, ces ouvriers brûlés par le
sous‐préfet Achiary : lisez‐le,
vous saurez le passé de vos
grands‐parents et la grandeur
de votre pays».

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