Juif antisioniste aux positions tranchées, ami de l’Algérie et de la Palestine depuis de très longues années, Jacob Cohen décrypte pour l’Express les dessous de cartes au sujet de ce qui se passe en Palestine, Connu pour l’intelligence de ses analyses, l’auteur de «Main basse sur Tinghir» est écrivain, romancier, politologue et analyste lucide et pertinent ; dans ses propos, il livre pour nos lecteurs un regard froid sur la situation.
«Ce que je voudrais dire sur le conflit Ghaza‐Israël, c’est que l’Etat profond sioniste aura rétabli la cohésion intérieure en sacrifiant un millier de ses citoyens. Et avec la bénédiction d’un Occident veule et complice, il se livre à une nouvelle dévastation d’une population ghazaouie sans défense et au mépris de toutes les règles humanitaires et du droit de la guerre «Moi qui suis l’actualité israélienne d’assez près, j’ai remarqué un changement extraordinaire dans la société d’Israël et cela me fait dire que l’Etat israélien profond n’est pas assez mécontent que cela (les attaques des Brigades Al Kassam) arrive.
Dans quelle mesure il y a contribué réellement ? Personne ne peut le dire, mais on le saura un jour. «L’Etat profond était inquiet, du fait non pas d’une guerre interne, mais d’un certain nombre de problèmes quasi insurmontables. Il y a eu, par exemple, une bataille entre religieux qui voulaient prier à Tel Aviv et les autorités, et nous avons vu comment, et avec quelle brutalité, ils en furent empêchés; on s’est adressé à la
Cour suprême pour leur interdire la prière.
Donc la guerre intérieure politique se doublait d’une guerre religieuse. Voilà où en était la société, mais aujourd’hui, il y a un changement radical au sein de cette même société grâce aux attaques du Hamas». «Comme lors de la guerre des Six‐Jours et la guerre du Kippour, il y a aujourd’hui le même état d’esprit, c’est‐à‐dire un état d’esprit de patriotisme exacerbé tout à fait extraordinaire.
Finies les divergences, les différences, idem des réservistes qui ne voulaient pas travailler pour le gouvernement ; des jeunes sont rentrés de l’étranger, avec des comités d’accueil de jeunes filles, les éditorialistes chantent à l’unisson « nous sommes redevenus un peuple qui se bat pour son existence ».
«Puis il y a l’appui international, l’Occident spécialement, les gouvernements et les médias, je le précise. Cela me pousse à penser que l’Etat profond a réussi son coup, même si le prix à payer était élevé, mais pour l’Etat sioniste, la mort de 1 000 personnes, ça n’a pas d’importance. Je ne vais pas aborder les détails techniques, mais on sent ces dysfonctionnements qui sont extravagants pour un pays en guerre. Il y a une hystérie, une « hystérisation » de l’opinion publique israélienne.
Parler de guerre existentielle, c’est ridicule. Et c’est quand je regarde les résultats obtenus à l’interne que je me dis que le Mossad, ou l’Etat profond, ont joué pour colmater les brèches et éviter l’effondrement de l’Etat. Bon, moi je vous donne mon sentiment, car il est vrai que seulement quelques dizaines de personnes détiennent la vérité.
Maintenant, les bombardements vont permettre de décharger la haine des israéliens, mais les israéliens ne tirent pas de leçons du passé, car il y a eu quatre fois par le passé ce type de représailles, de bombardements barbares, disproportionnés, mais là, cette semaine, ils ont dépassé toutes les bornes; ils ont coupé l’eau, l’électricité, les vivres, afin de mettre à mort des milliers de Ghazaouis, et le monde civilisé, malheureusement, se tait ! Vous savez, je suis interdit de Facebook pour un mois, parce que j’ai mis un « coup de chapeau » à l’opération du Hamas, et donc je fais des posts sur VK.
Tout le monde s’est aplati, regardez en France, regardez ce qui arrive à Mélenchon, le seul à hausser le ton, regardez le RN, qui revient sous l’aile d’Israël. Savez‐vous que des étudiants à Harvard ont exprimé leur soutien aux Palestiniens, et tout de suite il y a eu une réaction : ces jeunes étudiants ne seront jamais embauchés.
Enfin, tout cela est le travail du Mossad, des Sayanim (pl. de Sayan, agent civil et dormant du Mossad, ndlr). «J’ai posté un écrit sur la « sorcière de Bruxelles», qui déclarait contre les Russes que bombarder une usine électrique en Ukraine était un crime de guerre, un crime contre l’humanité, etc.
Mais quand il s’agit d’Israël, rien, aucun mot. Israël est intouchable; Israël peut affamer, peut détruire, peut même lancer aux Ghazaouis des virus de choléra et les exterminer et personne ne bronchera. L’Occident se déconsidère à une vitesse… C’est vraiment lamentable. On est dans les violations des lois de guerre et de l’humanitaire les plus basiques».