Ecrire aujourd’hui la biographie de Sidi-Moussa ou-Idir est un exercice délicat. D’abord parce que, jusqu’à présent, les fragments de vie de ce saint homme qu’on continue à perpétuer, ne sont le fait que de la tradition orale, ensuite parce que ces éléments biographiques sont donnés en vrac sans souci de véracité et sans vérification des sources de transmission.
La tradition n’a gardé de la vie de ce saint – qui aurait bâti lui-même, au village Fettala, la zaouïa qui porte aujourd’hui son nom – que des bribes, où la légende se taille la part du lion. Il est, selon Cheikh Mokrane, Sidi-Moussa Ben Sidi-Idir Ben Salah (des Aït Idjeur) Ben Sidi-Bahloul (de cheurfa n’Bahloul) Ben Açem. Il serait contemporain de Sidi Yahia El Aidli dont il est le gendre.
D’ailleurs, aujourd’hui encore à Fettala, village choisi par Sidi-Moussa pour se fixer, une mosquée porte encore le nom de Sidi-Yahia El Aidli qui était, selon la tradition locale, un familier du village où il venait souvent rendre visite à sa fille, épouse de Sidi-Moussa.
Plusieurs légendes courent sur Sidi-Moussa dont le mausolée est visité non seulement par les gens de la région mais aussi par des visiteurs des wilayas limitrophes qui viennent chercher quelque baraka et guérison ou faire des offrandes pour l’accomplissement d’un vœu ou l’expiation d’un péché grave.
Certaines personnes que nous avons interrogées font remonter les origines de Sidi-Moussa Ou-Idir au Sahara occidental, précisément à la Sekiat El Hamra. Il est descendant, selon leur version, des fondateurs de la dynastie des Almoravides. Il se serait d’abord installé à Thakamra avant de s’établir définitivement à Fettala où les Ath Lewkil lui ont cédé la parcelle de terre où il a érigé sa maison et la petite thimaâmarth où il va dispenser son enseignement.
C’est à Seddouk, selon une autre version qui ne contredit pas pour autant la première, après avoir reçu un enseignement religieux de son père, qu’il est venu s’installer dans la région pour prêcher et exercer son métier d’imam et de Mufti. Il serait mort sans laisser de descendance. Les sept fils qu’on lui attribue moururent tous, selon la légende, à la suite d’une terrible malédiction jetée par leur propre père après qu’ils le surprirent en train de faire ses ablutions. Leurs vraies ou supposées tombes se trouvent actuellement au cimetière de Fettala et continuent encore d’être entretenues.
Selon la légende, Sidi Moussa est un faiseur de miracles. On raconte encore qu’un jour Sidi Moussa rencontra un saint homme qui promenait avec lui un lion. Selon les usages d’hospitalité de l’époque, Sidi Moussa l’invita à passer la nuit chez lui. « Mon lion va dévorer ta vache », lui aurait dit son invité. Souriant, Sidi-Moussa le tranquillisa. Le lendemain, dans l’étable où l’on avait laissé ensemble les deux animaux, il n’y avait que la vache de Sidi-Moussa.
La légende raconte que le lion fut avalé par la gentille vache de Sidi-Moussa qui l’éternuera un peu plus tard. Avant sa disparation, le cheikh avait donné sa bénédiction à 25 de ses disciples cachés dont l’identité n’est connue que du cheikh lui-même, qui se renouvelleront dans chaque génération et auxquels est échue la mission de perpétuer sa mémoire et son enseignement.
Il a aussi consacré un chêne zen qui étale aujourd’hui ses tentacules autour de la bâtisse de la zaouïa. Cet arbre est devenu quasiment un élément du culte que certains continuent encore à vouer à Sidi-Moussa. Par ignorance peut-être, beaucoup commettent l’impardonnable péché de l’association « chirk » en associant à la personne de Sidi-Moussa des rites que le saint homme n’aurait pas admis de son vivant.
Du patrimoine laissé par Sidi-Moussa, à part sa zaouia qui continue à bénéficier de plusieurs aménagements, il ne reste aujourd’hui rien qui lui a appartenu : ni ouvrages, ni habits, ni ustensiles… « Le seul objet qu’on garde de Sidi-Moussa, c’est un miroir », nous dit Cheikh Mokrane qui a officié comme imam dans la zaouia depuis 1963 durant quatre décennies.
Ce miroir a, selon ce qui se raconte, des pouvoirs magiques. Les gens souffrant de quelque difformité au visage n’avaient qu’à regarder dans le miroir pour guérir de leurs malformations. Ce miroir, selon toute vraisemblance, ferait partie du lot que distribuait le sinistre général Randon en 1853 pour amadouer les cheikhs des zaouïas.
Si Wakli Bounhar, l’ex-président de l’association religieuse de la zaouia, nous affirme quant à lui que Sidi-Moussa est un grand savant musulman qui avait laissé beaucoup d’ouvrages, mais malheureusement, ils ont tous été perdus durant l’insurrection du Cheikh Aheddad. Et il assure que lors de cette insurrection, la zaouia de Sidi-Moussa servait de base arrière aux troupes de Cheikh Aheddad.
Rouverte en 1963, après sa fermeture durant la guerre d’indépendance, la zaouia accueille depuis cette date des talebs qui viennent notamment de Kherrata, Amoucha et Ath Yemmel. L’enseignement donné consiste essentiellement en l’apprentissage du Coran et du fiqh d’Ibn El Achir.
Aujourd’hui encore, la zaouia continue sereinement son chemin en variant et en enrichissant ses méthodes d’enseignement et surtout en luttant contre les bidâas (innovations religieuses) et en prônant un islam modéré débarrassé des extrémismes des années quatre-vingt-dix