11.9 C
Alger

Virée au Lac Noir

Vendredi. Le temps est printanier en cette dernière décade du mois sacré du ramadhan. Tout au long du chemin que nous empruntons en plein cœur de la forêt d’Akfadou, l’air est   chargé de parfum  des chênes. Le véhicule qui nous conduit vers Aguelmim  Averkane ( Lac Noir) tanguait et brinquebalait comme sur une mer démontée.

Le chemin caillouteux  de 12 kilomètres qui mène depuis la ville d’Adekar vers le lac est dans un état  piteux. Les fortes pluies orageuses de février dernier l’ont raviné et semé,  à plusieurs endroits de sillons et de nids de poules profonds. C’est difficilement et au prix de délicates manœuvres que nous roulons et nous nous éloignons peu à peu de la ville d’Adekar.

Nous roulons si lentement, à pas de tortue au point que notre destination nous semblait être aussi éloignée que Tinzaouatine. La voiture, une Peugeot année 85 baptisée l’ambulance Nath Malek, pour les services rendus aux malades et femmes enceintes trente en arrière lorsque les moyens de transports se faisaient rares dans le douar d’Assif El Hammam, a vécu  dans les années quatre-vingt dix des mésaventures dont elle garde encore des traces.

Interceptée à Tagma dans un faux barrage en 1994 par des terroristes, elle ne sera retrouvée qu’après 15 jours de battues populaires, à Yakouren, avec des impacts de balles. Toujours solide, elle roule courageusement sur cette chemin où nous n’avons rencontré qu’un homme marchant en s’appuyant sur un long bâton et trois enfants âgés de moins d’une quinzaine d’années trottinant d’un pas preste, pressés certainement d’arriver au Lac Noir. 

Hormis les cahotements du véhicule et le bruit du moteur, c’est le silence absolu dans ces lieux ou les frondaisons de chêne couvrent de leurs ombres protectrices le chemin cahoteux. Même les oiseaux ne pépiaient pas, à croire qu’eux aussi  observent le jeûne du mois de Ramadhan.

Bordé de part et d’autres essentiellement de chêne zen, de chêne liège et chêne afares, le chemin est traversé en deux ou trois endroits par des ruisseaux enjambés par des ouvrages en pierres de taille d’où coule une eau fraiche et cristalline.

Au milieu du trajet se trouve en contrebas du chemin, une plaine dégagée verdoyante nommée Messouya donnant sur pic rocheux quasiment dénudé entouré de chênes. C’est le sommet de Toukra culminant à quelques 1400 mètres d’altitude.

Dans les enclos d’acclimatation qui  longent le trajet ou vit le cerf de barbarie depuis son introduction dans le massif de l’Akfadou , nous avons beau tenté de surprendre quelques-uns de ces cervidés pour les photographier ,mais peine perdue.

Arrivée au Lac Noir… 

Après plus d’une heure d’efforts et de cahotements, nous parvenons enfin au Lac Noir. Hormis un jeune homme en moto muni d’un radiocassette d’où échapper une chanson de variété à grands décibels, malgré la présence de panneaux invitant les visiteurs à ne pas déranger la faune des lieux par trop de bruits, l’endroit est totalement vide.

Les lieux situé à plus de 1200 mètres d’altitude respirent le calme total et la plénitude. S’étalant sur une superficie d’environ 3 hectares avec une  profondeur de 03 à 04m, le lac avec rives en partie totalement  nues et couvertes par endroit d’un manteau vert, est entouré de majestueux arbres. Des cèdres de l’Atlas, des sapins de Numidie, des châtaigniers, des pins noirs, des pins Coulter … et bien d’autres espèces.

C’est un  spectacle à  couper le souffle. Il  s y dégage une certaine magie qui explique l’engouement pour ce lieu des touristes et randonneurs de toutes les régions du pays. Une tortue offrant sa carapace au soleil sur une pierre saillant de l’eau, plonge sous l’eau en nous entendant. Pourtant, l’ouïe des tortues aquatiques n’est pas assez développée ! 

C’est la seule espèce et quelques grenouilles que nous avons pu observer. L’endroit regorge pourtant d’une faune variée mais durant notre visite nous n’avons rencontré ni hérisson, ni lièvre, ni chacal, ni vautour, ni pic vert…qui écument les lieux.

Alimenté par deux  sources principales et des excédents de certains nombres de petits lacs qui l’entourent, le Lac Noir est plein à ras bord d’une eau douce qui se déverse vers un oued à un endroit aménagé à cet effet.

Le site, lac et extensions incluses, d’une superficie totale de 10 hectares, est propre. Contrairement aux années précédentes où les déchets étaient jetés partout, et où les visiteurs salissent et polluent les lieux à qui  mieux, mieux, maintenant, les visiteurs, en majorité font plus attention ; ils  ne laissent plus leurs déchets derrière eux. Une évolution méritoire !

Certes, on trouve encore, ici et là,  des canettes  de bières, des tessons de bouteille, des sachets vides…. Mais pas de quoi s’alarmer. Les campagnes de sensibilisation menées par les associations ont apparemment porté leurs fruits. Il y aura toujours des imbéciles qui continueront à se moquer de la protection de la nature et à  trouver un malin plaisir à  salir le site, mais il y aura toujours des citoyens conscients et responsables qui feront tout pour protéger le site.

Ce vendredi, le site est calme ! Pas de visiteurs, pas de  bivouac…Mais ce n’est qu’une halte ramadhanesque. Les cohortes de visiteurs venant de partout vont recommencer à envahir l’endroit après le Ramadhan. Il y aura ceux qui viendront pour quelques heures, d’autres pour toute la journée, d’autre encore pour y passer la nuit ou un long séjour dans des tentes où à la belle étoile

Malgré l’Etat lamentable du chemin qui le desserve, le site est très fréquenté. Trop même ! Avec ces paysages époustouflants de beauté et de sérénité, l’endroit est devenu une destination prisée des touristes. Même les artistes  de tout bord y viennent pour titiller leur inspiration.

Aguelmim Averkane qui tire son nom de la pellicule noir composée de débris végétaux qui  le couvre ou peut-être du tanin qui teint ses eaux d’une couleur sombre, mérite  le détour.

Articles de meme catégorie

- Advertisement -L'express quotidien du 11/12/2024

Derniers articles