Chaque génération à ses rêves et ses ambitions. La jeunesse algérienne n’échappe pas à cette éternelle règle universelle. Contre vents et marrées, le songe se dessine et se forge.
A l’instar des jeunes du monde entier, les Algériens s’inspirent de leurs pairs des quatre coins du globe terrestre. Le monde d’aujourd’hui n’est qu’un petit village, ou presque. Les multiples chaînes de télévisions, l’internet et autres moyens de communication ne font que rapprocher davantage les peuples. Le jeune d’Alger, d’Oran, d’Annaba ou d’ailleurs s’intéresse au mode de vie parisien, new-yorkais ou autres. Cependant, nombre de ces jeunes n’ont que des clichés, souvent plus proches de l’illusion que de la réalité. Les garçons sont très influencés par les films américains, lesquels incitent à rêver de glamour et de liberté. Les filles quant à elles, se perdent dans les films brésiliens et égyptiens, où la vie est toujours en rose. Cependant, le monde n’est pas noir ou blanc et on ne peut mettre tous les jeunes algériens dans le même sac. Notre société est plurielle et multidimensionnelle, même si nous avons beaucoup de constantes qui nous unissent. Au moment où des jeunes sont à l’écoute de l’Occident, d’autres guettent tout ce qui vient de l’Orient. Il suffit de faire un petit tour dans n’importe quelle rue pour constater cette diversité. On peut voir ces belles filles habillées en mini-jupes, ces filles voilées à l’afghane, ou bien simplement voilées d’un léger foulard. Les habilles des garçons aussi sont aux antipodes des cultures. Et ceci n’est pas propre à notre société mais fait la spécificité du monde actuel. Une chose est sûre, nos jeunes se cherchent et vivent une vraie crise d’identité ; c’est-à-dire on pose rarement la question qui sommes-nous au juste ? S’ouvrir au monde qui bouge est une très bonne chose, mais tout en restant authentique. Par ailleurs, les rêves juvéniles sont, parfois, stoppés par une réalité lugubre. Les problèmes socio-économiques auxquels fait face le pays, compromettent nombre d’ambitions. Travailler, se distraire ou se marier sont, entre autres, des songes inaccessibles pour une grande partie de la jeunesse algérienne, même si la vie ne s’arrête guère, la mort non plus puisque un nombre important de personnes « choisissent » de quitter la vie à la fleur de l’âge. La jeunesse algérienne a besoin de plus d’attention des autorités. Leur offrir plus d’opportunités de travail, de loisirs et autres commodités d’une vie digne est indispensable.
Paroles aux jeunes
Pour mieux comprendre les nouvelles tendances juvéniles, nous avons donné la parole à quelques jeunes. A cœur ouvert, nos interlocutrices et nos interlocuteurs nous parle de leurs modes de vie et de leurs rêves, sans tabous. L’Algérie, c’est connu, est un pays jeune. Plus de 70 % de la population sont des jeunes. Trop de politicards périmés parlent de jeunes, mais très peu d’actions concrètes en leur faveur. Beaucoup de jeunes sont malheureux : ils ne travaillent pas, ne sont pas logés, ne peuvent pas se marier, ne vivent pas quoi ! Ils ne croient plus en rien. Ils ont entendu trop de promesses jamais tenues. Nous sommes allés vers ces jeunes. Tour à tour, ils ont parlé de toutes les choses qui les touchent. Actuellement, les jeunes ne pensent qu’à fuir ce pays et partir ailleurs. Les jeunes restent encore interdits, ils étouffent. Ils veulent vraiment vivre. Pourtant, la dernière chance pour ce pays en crise, ce sont justement tous ces jeunes, pour peu qu’on les aide et qu’on leur ouvre toutes les portes. Malgré tous les déboires : chômage, crise de logement, misère sexuelle…, les jeunes Algériens ont un point en commun : le désir de vivre. Abdelghani n’a que 17 ans. Il est lycéen : »J’aime bien le lycée. Ce qui m’encourage pour étudier, c’est cette mixité. Ça donne un charme à l’école. Si on me sépare des filles, je quitterai le lycée ». Idir pense que la vie est belle malgré les problèmes. A 20 ans, il ne va plus à l’école. Il ne travaille pas, mais son papa lui a ouvert une petite boutique. « Je fais tout pour être gentil avec les clients. » Ce jeune suit de très près la politique du pays.
« On en a marre de leurs mensonges. Je pense que toute la classe politique algérienne a échoué. D’ailleurs, qui n’a pas échoué dans ce pays. Nous sommes en panne d’imagination. J’ai admiré un seul homme politique : feu Mohamed Boudiaf ». Yasmina est une belle blonde. A 22 ans, elle est cloîtrée à la maison. Elle sort très rarement. « Je veux sortir, respirer, aller voir un film ou une exposition, avoir des amis, mais mes parents me refusent tout cela. Certaines filles sont trop libres et d’autres n’ont rien. « Cette belle fille ne perd pas espoir de voir un jour les choses évoluer. Hayet est éducateur. Elle a 30 ans. Elle travaille dans une crèche : « C’est un métier agréable, on se sent mère avant de l’être. J’adore les gosses. C’est l’innocence. Les enfants m’aiment. Ils se sentent proches, de moi, ils se confient à moi. « . Notre éducatrice est active aussi ; dans une association féminine. Elle se sent concernée par le combat des femmes : « La femme en Algérie a fait d’énormes progrès. Elle a arraché des choses : elle sort, elle a un job mais, à mon avis, le problème de la femme, c’est d’abord à la femme, de le régler. Je trouve que nos femmes sont trop conservatrices. «
Yacine a 23 ans. Il est étudiant à l’université. Il a toujours rêvé de faire des études supérieures. Aujourd’hui, il rencontre un tas, de problèmes : « J’ai fait mes études secondaires en arabe et, maintenant à la fac, tout est en français. En plus, il y a un manque énorme de livres. La relation entre l’université et le monde du travail est absente. Ajoutez à cela, il n y a aucun loisir et aucune activité culturelle à la cité U. «
Pour Yacine, la vie d’un étudiant n’est pas rose : » Les étudiants vivent dans des cité-dortoir et étudient dans des amphis bourrés. Nous sommes sous-alimentés, mal-aimés et déformés au lieu d’être formés. En Europe, être étudiant, c’est quelque chose ! ».
Nadia a 38 ans. C’est une jeune femme qu’on peut appeler moderne. Elle a un bon job, elle est chef de service dans une société. Elle a une voiture et vit en ménage avec un collègue de travail. Elle n’a pas peur des mots. » Il n’y a pas assez de femmes qui bossent. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est libérer les mœurs. Les jeunes me font de la peine. Ils sont presque tous frustrés. Ils vivent une misère sexuelle. Moi, je ne suis pas mariée, mais je vis en ménage avec un collègue. Pour l’instant, on est heureux. Après, on verra. « La virginité et le mariage n’ont plus aucun sens pour elle : « Rester vierge pour la société ? Pourquoi ? Me marier ? Pourquoi ? Je suis bien comme ça. « Nadia nous lance : » Il faut vite abroger le code de la famille qui considère la femme mineure à vie. C’est une honte pour l’Algérie de 2021. » Nadia pense que la femme peut se prendre seule en charge sans le poids du frère, du père ou du mari. Les femmes souffrent encore dans ce pays. Les hommes sincères doivent faire quelque chose. Pour Nadia : « Le problème de l’Algérie, c’est le manque flagrant de communication. Les hommes et les femmes se croisent tous les jours, mais ne communiquent pas. Pourtant, ces deux êtres sont complémentaires. Le contact homme femme évite beaucoup de frustrations. La sexualité, c’est aussi important, pourquoi on n’en parle pas ? » Zoubir est trabendiste. Ce jeune de 28 ans est dans les affaires. Pour lui, il y a un choix à faire : « Survivre ou partir. » Survivre ici ou partir ailleurs. Zoubir a perdu tout espoir. II pense monter quelques affaires ici en Algérie puis partir définitivement. « Un aller sans retour. Vous savez qu’on ne vit qu’une fois. Je ne veux pas moisir ici. Les barons ne veulent pas partir. Ils ne veulent rien lâcher. Alors, moi, j’ai décidé d’y aller. Kateb Yacine disait bien : « Le pays ne veut pas changer, il faut changer de pays. « Avoir 20 ans, aujourd’hui chez nous, c’est horrible. S’il faut donner une vraie image de l’Algérie actuelle, ce sont aussi tous ces jeunes qu’on voit debout, souvent le dos au mur et qui attendent. Ils attendent tout : un travail, un logement, une femme, des loisirs… Place aux jeunes et qu’on en finisse avec le règne des médiocres. Il faut créer des emplois, loger des gens, animer les centres culturels, multiplier les échanges… et la liste est longue. Et Karima de conclure : » Donnez une chance aux jeunes. Que cesse la démagogie ! »