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Alger

L’Algérie consolide ses aires de coopération régionales

L’Algérie s’est engagée, depuis quelques années, dans une démarche de renforcement d’une intégration économique et politique plus étroite à l’échelle continentale. Néanmoins, malgré les nombreuses initiatives et les accords conclus dans cette optique, plusieurs de ces initiatives se sont heurtées à une multiplicité d’obstacles qui minent le cadre global de concertation.

Présentement, la reconfiguration de la cartographie géopolitique et géoéconomique dans le contexte d’une multipolarité de la planète impose à l’Algérie un redimensionnement de ses espaces stratégiques dénommés en relations internationales « aires d’intérêt commun » et « aires de coopération ». Trois espaces avec chacune d’entre elles sa profondeur stratégique se distinguent: l’Afrique du Nord, le Sahel et particulièrement la zone des « trois frontières » et la Méditerranée Occidentale. Le tout regroupé dans ce que je nommerai « MediterAfrique.

La zone des trois frontières

La zone des « trois frontières » est une région sans limite précise située entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Elle est devenue un pôle de crises de faible intensité avec le risque de voir ces crises évoluer vers des situations plus graves. Cette région est importante car elle est le théâtre de multiples enjeux politiques, sécuritaires et économiques qui ont des répercussions non seulement dans les pays voisins mais aussi à l’échelle régionale et internationale.

D’une part, le non-respect de l’accord Malien d’Alger, signé en juin 2015 qui était censé être une plateforme de

réconciliation politique inclusive pour mettre fin aux tensions au Mali,  a entraîné une stagnation dans le processus de paix, avec moins de 30 % de ses dispositions mises en œuvre. Cette situation alimente les confrontations entre les groupes armés et aggrave le risque de voir le conflit évoluer vers une intensité supérieure. Cela représente une menace sérieuse pour la stabilité du Mali et de la région du Sahel dans son ensemble. Il demeure  clair que promouvoir le dialogue inclusif entre toutes les parties prenantes et renforcer les efforts de développement économique pour adresser les causes sous-jacentes du conflit sont l’unique  approche qui permettra de restaurer la paix et la stabilité au Mali.

D’autre part, les convulsions politiques au Mali qui sont venues s’arrimer à l’insécurité qui règne en Libye depuis les soulèvements populaires de 2011 et au coup de force du 28 juillet 2023 au Niger et à celui de 2022 au Burkina Faso et à la crise politico-militaire au Soudan depuis 2023, ne font qu’accentuer le risque exponentiel de conflit de haute intensité dans la région. La zone dite des « trois frontières », où se rencontrent sans délimitation physique les territoires du Mali, du Burkina Faso et du Niger, qui est depuis plusieurs années la région de tous les dangers devient, présentement, l’épicentre militaire de la crise.

Avec le rejet de l’Accord de paix d’Alger, le Mali, le Niger et le Burkina Faso constituent sous l’impulsion d’acteurs internationaux malveillants,  ce que je peux dénommer la « Triade ».  Ces acteurs malveillants cherchent à radicaliser une certaine communauté  pour les acheminer vers la voie indépendentiste au lieu de l’intégration inclusive et par conséquent la remise en cause des délimitations frontalières. Nous assistons ainsi à la réactivation du fameux  projet dit du « Sahara Central » de la Libye à la Mauritanie et à terme de la mer Rouge à la mer Atlantique.

En somme, à  l’ere de la recomposition de la cartographie géopolitique de la région que je dénomerais MéditerAfrique, deux projets s’articulent en parallèle, celui du « Grand Moyen Orient » et celui du « Sahara Central » et dont la finalité est de servir l’approche de dématérialiser les lignes frontalières pour une fusion d’envergure. Cette approche des acteurs de puissance malveillants mise sur le maintien sous tension de deux zones principales de crise d’intensité variable, à savoir, le flanc oriental de la Méditerrannée et le flanc Sahélo-saharien avec ses axes d’ancrage en mer Rouge et en mer Atlantique.  Il est incontestable que la posture des autorités de la « Triade »  ne fera qu’accentuer un climat de tensions dans cette sous région méditerranéenne avec la montée en puissance des fléaux transnationaux tels que le terrorisme, le narcotrafic et le trafic d’armes, la traite humaine ainsi que le déplacement de populations qui menacent la stabilité de cet espace géostratégique riche en ressources minières critiques et rares nécessaires à l’industrie alternative décarbonée, à la reconversion énergétique et à la poursuite de la révolution technologique.

Au regard de cette situation contextuelle, l’Algérie que demeure fidèle à ses principes fondamentaux de non ingérence dans les affaires internes des pays et du rejet de toutes formes d’interventionisme,  prend acte et surtout continuera sans relâche à prôner le dialogue, la concorde et la réconciliation inclusive pour une stabilisation durable de la région Sahélo-saharienne qui permettrait un développement économique frontalier afin de contenir les fléaux transnationaux qui minent tout cette « aire d’intérêt commun. »

Renforcer l’aire de coopération

Le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait annoncé que l’année 2024 serait marquée par la création de zones franches entre l’Algérie et cinq pays africains, à savoir la Mauritanie, la Tunisie, la Libye, le Mali et le Niger et ce avec l’engagement de l’Algérie à atteindre les objectifs de développement économique et d’intégration continentale. L’intégration concerne l’amélioration des infrastructures à travers le renforcement des partenariats public-privé (PPP), l’utilisation des ressources nationales, l’utilisation de fonds régionaux et internationaux pour le développement des infrastructures et d’autres instruments de financement adaptés. Il comprend également l’amélioration des réseaux régionaux de production et d’échanges, à travers le renforcement des capacités de production, la poursuite des efforts pour promouvoir le rôle du secteur industriel et l’accès aux chaînes de valeur mondiales, en favorisant la diversité des industries africaines.

En termes d’analyse, l’Algérie donne la priorité aux projets de développement de type  » intégrateur « , ou aux projets qui contribuent aux efforts de développement du continent africain. En ce sens qu’elle a entrepris plusieurs projets, tels que celui de l’autoroute transsaharienne qui va traverser le Sahel pour rejoindre le Nigeria. Cet axe routier transfrontalier sera accompagné d’un projet d’infrastructure internet en fibre optique. De plus, il existe un projet de gazoduc pour le transport du gaz du Nigeria vers l’Algérie via le Niger et pour lequel l’Algérie s’est engagée à financer la section nigérienne. Egalement, figure la construction d’un projet d’autoroute pour relier les régions de Tindouf en Algérie et de Zouerate en Mauritanie, et qui permettra à l’Algérie d’atteindre les marchés d’Afrique de l’Ouest en passant par la Mauritanie.  À travers ces projets structurants,  l’Algérie compte donner la priorité aux pays de l’Afrique du Nord, notamment, la Mauritanie, la Libye et la Tunisie, ainsi qu’aux pays de l’espace Sahelo-saharien comme le Niger, le Mali et le Tchad, et aux pays d’Afrique de l’Ouest comme le Nigeria et le Sénégal. Aussi, elle offre une ouverture aux pays africains, notamment,  le Soudan, l’Éthiopie, l’Ouganda, le Kenya, la Namibie et l’Afrique du Sud, qui souhaitent utiliser ce système pour financer des projets dans la région.

Lutte contre les fléaux transfrontaliers

L’approche algérienne dans la lutte contre les différents fléaux transfrontaliers et  les Organisations Extrémistes Violentes (VEO) au Sahel, s’appuie sur la dimension économique et non pas sur  la dimension exclusivement militaire. Il est clair que la principale raison de propension des conflits à intensité variable au Sahel et en Afrique sub-saharienne sont la pauvreté et le sous développement avec comme corolaire le déplacement forcé des populations et la migration illégale. Au plan stratégique, l’Algérie pour contenir  les visées expansionnistes malveillantes de puissances sur le continent africain utilisant comme point d’ancrage le flanc occidental de la méditerranée,  active pour accroître sa présence dans la région en apportant un soutien économique à des projets structurants utiles au développement d’intérêt commun. En somme, malgré le fait qu’étant la quatrième économie d’Afrique, l’Algérie, seul pays africain à avoir épongé toute sa dette extérieure, s’affirme comme partenaire solvable et crédible à un moment où les pays du continent africain connaissent des difficultés économiques intenses. Par cette démarche, l’Algérie s’efforce de faire entendre sa voix en Afrique et de parvenir à intensifier la coopération, en particulier,  avec les pays de la région et de la sous-région continentale.

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(*) Dr. Arslan Chikhaoui est expert en Géopolitique et membre, du Conseil Consultatif d’Experts du World Economic Forum et est partie prenante dans divers Task Forces ‘Track 2’ du système des Nations Unies (UNCSR 1540).

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