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«Il faut embarquer des entreprises algériennes dans la dynamique de l’hydrogène vert.. »

M. Boukhalfa Yaîci, Directeur général de Green Energy Cluster Algéria GRP (ex-cluster énergie solaire) a pris part au salon NAPEC 2024 qui a eu lieu à Oran, le mois dernier, de manière active. En manager avisé et au fait de tout ce qui se passe dans le domaine des énergies renouvelables, notamment dans les technologies de production et de transformation de la molécule d’hydrogène. Dans l’entretien qui suit, il partage avec les lecteurs de l’Express sa vision de l’évolution de la filière. A ce titre, il suggère l’implication des entreprises locales dans la dynamique à temps, ainsi que la création de centres de recherche et d’instituts spécialisés.

L’Express : Vous aviez participé au salon NAPEC 2024 organisé à Oran. Quel bilan en faites-vous ?

BOUKHALFA YAÎCI : En termes de résultats, il y a eu des éléments importants. D’emblée, il y a l’orientation du salon qui, maintenant, s’intéresse de plus en plus à la technologie de l’hydrogène vert. Il y a une sorte de continuité entre le développement du fossile, mais aussi le remplacement à terme par les énergies renouvelables et, surtout, par le vecteur énergétique représenté par l’hydrogène vert.

Peut-t-on dire, qu’il y a une prise de conscience à tous les niveaux, notamment politique et scientifique ?

Au niveau politique oui, je pense que le choix d’y aller sérieusement dans cette direction a été fait. Il y a aussi la répartition des tâches qui s’est faite entre les différents intervenants ; Sonatrach qui se chargera de l’hydrogène vert et Sonelgaz de l’électricité verte.

Autrement dit, il y a une entente pour travailler en synergie et y aller dans le même sens ; puisque que l’un a besoin de l’autre. Et puis, il y a eu des accords, il s’agit des études de faisabilités avec les Allemands, les Italiens notamment pour le South H2 corridor qui est un projet d’envergure, qui nécessite encore du travail, notamment en termes de financement.

Je pense que la partie européenne va faire les efforts nécessaires pour soutenir ce projet, surtout qu’il représente 40 % des importations de l’Union européenne.

Ce qui est intéressant, si on l’en compare avec le projet Desertec, à l’époque, il était question de 15%. C’est‐ à‐dire, il y a eu un effort important qui a été fait pour produire et exporter les molécules de H2.

Le deuxième projet que j’ai trouvé beaucoup plus intéressant pour le pays, parce qu’il a une valeur ajoutée plus importante ; c’est le projet de transformation de l’hydrogène vert en fertilisant destiné pour le marché européen.

C’est une avancée notable parce que là, on sera pleinement dans les activités de la chaîne de valeur ; c’est‐à‐dire qu’on fera dans l’énergie renouvelable, dans la transformation de l’eau vers l’hydrogène vert et dans la transformation d’hydrogène vert vers des dérivés comme les fertilisants.

Or, on sait que toutes les études qui ont été avancées affirment que c’est ce type de produit qui va connaître le premier démarrage ; quant à l’utilisation de l’hydrogène, la question du transport sur les longues distances n’est pas encore réglée.

La technologie n’est pas encore au point, vous voulez dire ?

C’est vrai que la technologie n’est pas encore mature, mais ce n’est pas uniquement cela parce qu’il y a différents aspects qu’il faut prendre en charge avec l’hydrogène vert ; le produire, ensuite le compresser, le transporter et le récupérer à sa destination.

La première étape c’est de faire un peu ce qu’on appelle un mix avec le gaz naturel. Donc on va le mélanger ici, ensuite, dans les pays aux‐ quels il est exporté, il faudrait encore le séparer. Ce qui veut dire qu’il y a quand même du travail mais il y a quand même un avantage. Et c’est ce qui est intéressant pour la partie européenne parce que cette infrastructure existe déjà. Il suffirait juste d’être sur le tracé de la ligne pour pouvoir l’utiliser ; notamment l’utilisation de l’énergie renouvelable, production qui peut être compétitive uniquement si on est sur les hauts plateaux. Donc ce sont deux éléments importants qu’il s’agit de voir comme étant un vrai changement.

On s’intéresse aussi à l’autre partie de la transformation et on voudrait que l’Algérie aille dans cette direction‐là. Car les fertilisants, ce sera vraiment l’arme de demain ; ça sert l’agriculture, et cela tombe bien car l’Algérie veut aller vers des capacités de production plus importantes dans ce domaine.

Aussi, quand vous avez un produit avec des fertilisants verts, ça va être un produit facile à exporter sur les marchés de l’Union européenne.

Qu’en est-il du volet formation et du transfert de technologie ?

La feuille de route de l’hydrogène prévoit que la première période jusqu’à près 2025, d’inclure la préparation de la ressource humaine.

Dans ces conditions, nous, par exemple, nous proposons dans ce domaine-là, la mise en place d’un centre de recherche dédié à l’hydrogène vert. Aujourd’hui, il y a un manque qui se fait sentir.

On donne une petite partie au CDER et aux universités. Ce n’est pas suffisant pour y aller de l’avant. Certains sont même en faveur de l’intégration des filières concernant ces technologies à l’université. Même si ça sera le cas, il faut centraliser, même de façon virtuelle. Il faut qu’il y ait un centre de recherche spécialisé.

Si vous voulez aller vite, il faut faire deux choses : Il faut raccourcir les distances entre les producteurs de la technologie et les utilisateurs, il faut raccourcir les durées entre le moment où le produit est en phase de développement et le moment où il est commercialisé et c’est là où les Chinois ont vraiment fait un effort colossal.

Aujourd’hui, il y a ce qu’on appelle des clusters industriels dans lequel vous y trouverez , le fabricant, celui qui produit la matière première, celui qui transforme, le centre de recherche, l’université, le centre de formation qui sont réunis et travaillent en synergie et vont dans la même direction.

Et puis, je pense que dans la démarche qu’il s’agit d’initier, c’est de travailler avec un programme national avec une équipe spécialisée constituée de compétences pluridisciplinaires. De telle manière que tous ces éléments travaillent dans le même sens.

Aujourd’hui, quand vous parlez avec des universitaires, vous remarquerez qu’il y a énormément de choses qui se font mais de façon dispersée. Ça dépend beaucoup aussi des laboratoires et des capacités dont ils disposent. Il ne faut pas se leurrer car il faut aussi mettre énormément de moyens financiers sur ce genre de projets ; il faut raisonner en millions de dollars et non pas en million de dinars.

C’est de cette manière-là qu’on va pouvoir aussi attirer les talents et si on ne parle pas souvent mais on a aussi besoin de faire venir de très bons chercheurs ; même étrangers. C’est comme ça qu’on peut gagner du temps et c’est comme ça que les Chinois ont fait : Ils ont fait venir des chercheurs et des experts d’Allemagne et des USA pour que leurs entreprises puissent réellement travailler et aller vite dans le développement.

Autrement on mettra un temps fou et on sera toujours dépendant de l’étranger. Sur un autre plan, il faut que ce programme des énergies renouvelables, surtout celui de l’hydrogène vert, bénéficie d’avantages beaucoup plus important que ce qu’offre aujourd’hui l’AAPI qui, aujourd’hui offre des avantages génériques pour tous les projets ; or si l’on veut pousser les gens (entreprises et investisseurs) à aller vers les énergies renouvelables et dans l’H2 vert ; il faut des incitatifs supplémentaires pour promouvoir ce secteur .

Dans la stratégie nationale, est-ce que le cluster est consulté, impliqué et entendu?

Je dirais que vis‐à‐vis du ministère de l’industrie et de l’énergie, nous sommes en très bon rapport et ils nous intègrent un peu, aussi, dans tous les projets d’assistance technique. On est toujours consulté, on participe dans les groupes de travail. On n’a pas de problème de ce côté‐là et c’est une bonne chose. Et on est toujours dans une position de proposition. On a un petit peu bataillé pour la transformation énergétique et les énergies renouvelables. Et nos efforts n’ont pas étaient vains.

Maintenant on va batailler pour deux choses. La première des choses, c’est l’après 3200 MW. Donc les 3200 ont été lancés par Sonelgaz et pour lesquels le financement a été assuré par la BNA. On souhaiterait déjà, qu’on commence à travailler sur l’après 3200 Mega watt. Ceci pour voir comment, quel type de financement il faut faire et quels seront les acteurs? On aimerait savoir comment on peut accompagner et éviter de se retrouver dans des situations vécues les années passées. C’est‐à‐ dire qu’à un moment donné on a eu un programme et puis il n’y avait plus rien pendant 10 ans. Et pendant 10 ans, on va perdre le potentiel industriel, les compétences.

Je pense que les discussions, aujourd’hui, sont ouvertes. Notre position dans ce domaine‐là est très claire ; tant que le contenu local, donc les entreprises locales auront la priorité pour participer à ces projets, nous, on est favorable. Et même si demain, l’Algérie décide de faire avec des investisseurs étrangers, nous souhaitons garder une partie du projet pour les investisseurs locaux et ça va permettre à nos entreprises de devenir plus aguerries et plus compétitives dans ce domaine.

C’est pour ça qu’on espère qu’après le 3200 MW, on va mettre un autre programme et que nos entreprises qui ont déjà gagné seront plus fortes et mais qu’il faudrait encore faire venir de nouveaux acteurs pour élargir la participation locale pour que ces entreprises acquièrent de l’expertise avec le temps.

Aujourd’hui, la compétition est quand même très rude avec les Chinois. Leurs entreprises travaillent de concert. C’est ce qu’on essaie de faire au sein du cluster et de dire aussi que les entreprises algériennes doivent aussi travailler en synergie de telle manière à bénéficier de bonnes pratiques et éliminer les mauvaises.

Justement, puisque vous parlez du solaire et des 3200 MW, il n y a presque pas d’informations sur le taux d’avancement des travaux, et sur ce qui se passe dans les stations,…etc.

On essaie de faire le suivi avec nos équipes. Je dirais, qu’il y a un challenge important. Le fait que le projet soit important, plus de 3000 mégawatts, il faut réunir des ressources suffisantes, et pas uniquement financières mais aussi des ressources humaines.

Les 3000 mégawatts qui seront dispersés sur à peu près 12 wilayas nécessitent au niveau de chaque site un effectif pour mener à bien le projet (ingénieurs, chef de projet, directeur du site….) mégawatts dispersés sur à peu près 12 wilaya.

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L'express quotidien du 23/04//2025

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