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Elle est dédiée à Hitler: Le Louvre conserve une tapisserie nazie dans ses réserves

Une tapisserie nazie est entreposée quelque part dans les réserves du Louvre. Selon The Art Newspaper , le musée détient sans le vouloir une énorme tapisserie de 30 mètres carrés figurant un aigle héraldique orné d’une croix gammée. 

L’objet est en outre estampillé des initiales de Adolf Hitler et d’une citation extraite de Mein Kampf : «Celui qui veut vivre doit combattre». La tapisserie en laine et soie est aussi tissée de fils d’or qui représentent 3,5 kilos. La provenance de cet or interroge, alors que la date de création inscrite au bas de la tapisserie est 1942, soit l’année où les dirigeants nazis ont décrété la «Solution finale» à la conférence de Wannsee. Où les Nazis auraient-ils pu trouver 3,5 kg d’or ?

Aucun des rares documents officiels concernant l’objet ne répond à cette question, mais The Art Newspaper juge possible qu’il soit issu des bijoux ayant appartenu aux Juifs déportés dans les camps de concentration, voire des dents des victimes. The Art Newspaper a enquêté sur la façon dont cet objet nazi a été intégré aux collections du Louvre. Le musée s’est montré discret sur cette pièce très encombrante. Mais elle fait désormais l’objet d’une certaine attention médiatique.

Selon des documents d’archives français et américains, la tapisserie était arrivée en 1949 au point de collecte de l’armée américaine à Munich, lieu où les œuvres déplacées pendant la guerre étaient rassemblées. Initialement, il était admis que la tapisserie avait été brodée à Paris, dans les ateliers des Gobelins. Mais des recherches complémentaires de la conservatrice Rose Valland en 1949 ont conclu que l’œuvre était issue de l’usine de Nymphenbourg, dans la banlieue de Munich.

Selon une note d’Elie Doubinsky, le représentant français au point de collecte, les 3,5 kg d’or contenus dans la tapisserie avaient été fournis par le parti nazi. Une fois le lien avec l’usine de Nymphenbourg établi, il avait conclu que «la France n’avait aucun droit sur cette œuvre». Néanmoins, pour une raison inconnue, le directeur du point de collecte, l’Américain Stefan Munsing, avait ordonné que la tapisserie soit envoyée en France. Une décision surprenante, sachant que seules les œuvres ayant été spoliées à la France auraient dû y être retournées.

L’œuvre doit être accessible au public

 La tapisserie était ainsi arrivée à Paris le 9 juin 1949. Peu après, elle a été confiée au Louvre. La tapisserie n’appartient pas au Louvre, mais elle y a été déposée dans le cadre du programme Musées nationaux récupération (MNR), qui réunit 65.000 œuvres récupérées en Allemagne en 1945. Il s’agit d’objets provenant supposément de France, et dont les propriétaires avant la guerre demeurent inconnus, ce qui a empêché leur restitution. La pièce fait donc partie du MNR, et pourtant elle ne provenait pas de France. Les œuvres du MNR doivent être accessibles au public, ce qui «exclut une conservation prolongée». Pourtant, elle n’a jamais été exposée et aucune photo en couleur n’a été publiée.

En théorie, les autorités allemandes pourraient essayer de réclamer la pièce, mais il est peu probable qu’elles le fassent. Contacté par The Art Newspaper, le Louvre a renvoyé au ministère de la Culture, dont un porte-parole admet que la tapisserie «a été acheminée en France, bien qu’elle ne fût pas créée en France». Quelques jours après avoir été sollicité par le média spécialisé, le ministère a discrètement modifié le statut de l’œuvre. Jusqu’à il y a quelques semaines, elle apparaissait dans le registre des MNR comme «pillée», la voilà désormais classée «probablement pillée». Le porte-parole explique cette modification par le souci de rectifier une erreur, la tapisserie n’ayant fait «aucune victime» de pillage ou de vente forcée.

Plutôt que d’encombrer le Louvre, la tapisserie pourrait plutôt trouver sa place dans un musée dédié à l’histoire, par exemple le Musée historique allemand de Berlin, qui renferme de nombreux objets nazis. Mais il est difficile d’imaginer que la tapisserie soit un jour exposée, en raison de la glorification de Hitler mais aussi en raison de sa grande taille. L’œuvre pourrait être détruite et l’or en être extrait. Comme l’avait laconiquement formulé Stefan Munsing en 1949, la tapisserie est dépourvue de «toute valeur artistique», sa seule valeur «résidant dans le fil d’or». Interrogé par The Art Newspaper, le ministère de la Culture répond qu’il n’est «pas question de le détruire», la tapisserie constituant «un élément d’histoire».

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