C’est dans la maison de la culture d’Azazga, nichée au cœur de la Kabylie, qu’a pris fin la 11ᵉ édition du Salon national des arts plastiques, un hommage vibrant au maître incontesté de la peinture algérienne, M’hamed Issiakhem (1928‐1985).
Organisé par la direction de la culture et des arts de Tizi Ouzou, ce rendez‐vous artistique, placé sous le thème « À pied d’œuvre sur les traces d’Issiakhem », a réuni une quarantaine d’artistes venus de 10 wilayas, témoignant de l’éclat de cet héritage pictural au‐delà des frontières locales.
L’événement a mêlé exposition, ateliers et conférences, portant un regard inédit sur l’œuvre d’Issiakhem, surnommé « le père des arts plastiques algériens ». Une rétrospective intitulée « Patrimoine et modernité » a plongé les visiteurs dans l’univers singulier de cet artiste profondément marqué par le drame et l’espoir.
Parallèlement, des ateliers de peinture ont initié de jeunes talents, traduisant la volonté des organisateurs de perpétuer l’école Issiakhem tout en s’ouvrant aux expressions artistiques contemporaines.
Une résidence artistique tenue à l’école des beaux‐arts d’Azazga a donné lieu à une fresque murale dédiée à Issiakhem, érigée en témoignage intemporel de sa vision et de son influence. « Issiakhem a universalisé la peinture algérienne », a déclaré Salah Aït Mehdi, artiste originaire d’Akbou.
Au‐delà des toiles et des pinceaux, ce salon a été une opportunité pour les artistes de revisiter la terre natale d’Issiakhem à Taboudoucht, dans la daïra d’Azeffoun, un berceau de créateurs ayant marqué la culture algérienne, à l’instar de Mohamed Fellag ou Hadj M’hamed El Anka. « Nous sommes issus de l’école Issiakhem », a affirmé Moncef Guita, artiste multidisciplinaire de Annaba, qui a côtoyé le peintre lors de mul‐ tiples expositions dans les années 1970.
Né en 1928 à Taboudoucht, M’hamed Issiakhem porte dans son œuvre les stigmates d’un drame personnel. Amputé du bras gauche après avoir manipulé une grenade dans son enfance, il perd dans cet accident ses 2 sœurs et un neveu. « Après ce drame, Issiakhem vivra toute sa vie meurtri dans sa chair et son âme, et son œuvre sera définitivement marquée du sceau de la douleur », rappelle une intervenante lors du salon.
Malgré ces blessures profondes, Issiakhem transcende la tragédie pour donner naissance à une œuvre universelle, où ses portraits et autoportraits demeurent des jalons essentiels de la scène artistique mondiale.
Diplômé des Beaux‐Arts d’Alger et de Paris, il s’éteint en 1985, laissant un héritage qui continue d’inspirer des générations d’artistes. Cette édition du Salon national des arts plastiques s’inscrit dans une stratégie de décentralisation des activités culturelles portée par la direction locale de la culture. « Il est essentiel de rapprocher l’art des citoyens, de multiplier les initiatives dans les communes éloignées », souligne Nabila Goumeziane, directrice locale de la culture.
En célébrant l’héritage d’Issiakhem, Azazga a accueilli un événement à la fois intime et universel, confirmant que l’art, dans ses formes les plus sincères, transcende les frontières et les époques pour toucher au cœur de l’humanité.