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Arezki Larbi: L’alchimiste des arts qui a sculpté l’âme algérienne

Le 20 janvier 2024, le souffle créatif d’Arezki Larbi s’est éteint, laissant derrière lui une œuvre qui continue de chuchoter aux cœurs et d’éveiller les esprits. Artiste aux multiples facettes, il incarnait une Algérie où l’art n’est pas seulement une expression, mais une quête, un miroir tendu vers l’âme collective.

Né en 1955 à Aït Laziz, village niché dans les replis verdoyants de la Kabylie, Arezki Larbi a grandi dans l’ombre des montagnes et sous la lumière des traditions. Très tôt, il a su lire dans la texture des choses ordinaires une poésie cachée. Ce regard attentif, presque méditatif, allait devenir la marque de son art, qu’il déclina dans une multitude de formes, peinture, scénographie, costume, décoration…

Si son nom est gravé dans la mémoire culturelle algérienne, c’est d’abord grâce à son travail dans le cinéma, où il fit de l’espace un véritable langage. Sur le tournage de « Machaho » (1995), il ne se contenta pas de construire des décors, mais façonna des mondes. Chaque élément (une porte usée, une étoffe, une pierre) portait un souffle, une vibration qui enrichissait la narration.

Dans « La Montagne de Baya » (1997), les costumes qu’il conçut ne se contentaient pas de vêtir les corps, ils racontaient des récits anciens, tissés dans les fibres des traditions kabyles. Larbi comprenait que l’apparat n’est jamais anodin, il est mémoire, il est message.

Mais c’est sans doute dans la peinture qu’Arezki Larbi atteignait la plénitude de son art. Ses toiles, souvent inspirées par la Kabylie, ne se limitaient pas à figurer des paysages. Elles exploraient l’espace intérieur, celui des mythes et des songes. Une ligne pouvait évoquer une vallée, un coup de pinceau suggérer la course du vent sur les crêtes.

Pour lui, peindre était un acte presque sacré, une manière de converser avec l’invisible. Ses œuvres ne cherchaient pas à impressionner, mais à captiver doucement, à attirer le spectateur dans un dialogue silencieux.

Arezki Larbi n’était pas homme à se vanter de ses accomplissements. Silencieux et humble, il préférait que son art parle à sa place. Ses collaborateurs se souviennent d’un artiste exigeant, mais profondément humain. Il savait écouter, conseiller, transmettre sans jamais imposer.

Peu enclin à se livrer, il portait en lui une pudeur rare. Pourtant, derrière cette retenue se cachait une ambition démesurée, celle de donner à voir une Algérie riche de ses nuances, une Algérie qui refuse la simplification.

Avec sa disparition, le monde artistique perd une voix unique, mais son œuvre demeure un testament vivant. Arezki Larbi nous rappelle que l’art ne peut être réduit à un objet de consommation ou un simple divertissement. Il est une réinvention perpétuelle, une manière de tisser ensemble passé, présent et futur.

Et dans chaque recoin de ses créations (une nuance de bleu sur une toile, une texture de bois dans un décor) on perçoit cette quête d’authenticité, ce désir d’universalité ancré dans la singularité.

Arezki Larbi ne sera jamais vraiment absent. Tant qu’un regard se posera sur son œuvre, tant qu’une pensée effleurera l’écho de son univers, il continuera de nous parler. Car c’est cela, au fond, la véritable grandeur d’un artiste, faire durer le fugace, donner une forme à ce qui échappe aux mots, et nous inviter à contempler.

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