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Alger

61 biens immobiliers occupés par la France sur le sol algérien

Pendant que Bruno Retailleau et l’aile dure de la droite française s’évertuent à dresser l’Algérie en éternel « profiteur », Alger choisit une approche plus factuelle, mettre cartes sur table et rafraîchir les mémoires sur un certain nombre d’avantages français soigneusement passés sous silence.

La convocation, la semaine dernière, de Stéphane Romatet, ambassadeur de France en Algérie, par le ministère algérien des Affaires étrangères n’a rien d’anodin. L’objet du rappel à l’ordre ? Une asymétrie criante dans les relations bilatérales, notamment sur la question des biens immobiliers français en Algérie, dont la France bénéficie à des conditions défiant toute concurrence.

Si Paris veut rouvrir le débat sur les privilèges, alors qu’elle se prépare à en assumer toutes les conséquences. Car cette fois, l’addition risque d’être salée pour l’Élysée.

Au cœur de cette générosité unilatérale, l’ambassade de France en Algérie, un vaste domaine de 140.000 mètres carrés sur les hauteurs d’Alger, l’un des quartiers les plus prisés de la capitale. Un emplacement qui, s’il était soumis aux lois du marché, représenterait une manne colossale. Pourtant, le loyer versé par Paris est dérisoire, à tel point qu’il ne couvrirait même pas le prix d’un studio en banlieue parisienne.

Autre aberration, la résidence de l’ambassadeur de France, « Les Oliviers », un palais de 40.000 mètres carrés avec jardins et vue imprenable sur la baie d’Alger. Jusqu’en août 2023, ce bijou immobilier était cédé au franc symbolique, sans la moindre révision de bail depuis 1962. Un privilège que la France n’a, bien entendu, jamais consenti à l’Algérie sur son propre sol.

Et cette hégémonie foncière ne s’arrête pas là, 61 biens immobiliers sont ainsi occupés par la France en Algérie, souvent à des conditions défiant toute logique économique. Mais lorsque Paris évoque une relation déséquilibrée, ces chiffres disparaissent mystérieusement du discours officiel.

Depuis plusieurs mois, Retailleau et ses alliés s’acharnent sur l’accord franco-algérien de 1968, dénonçant un « privilège migratoire » accordé aux Algériens. Un refrain éculé qui masque une vérité bien moins reluisante pour la France.

Car si cet accord a facilité l’installation de travailleurs algériens en France, c’est bien Paris qui en a été le principal bénéficiaire. Dès les années 1950 et 1960, la reconstruction économique française s’est appuyée sur une main-d’œuvre algérienne sous-payée, affectée aux chantiers, aux usines, aux hôpitaux, sans laquelle le « miracle économique » français n’aurait tout simplement pas eu lieu.

 Aujourd’hui encore, les travailleurs algériens et leurs descendants occupent des postes-clés dans les services publics, la santé, l’industrie et les infrastructures, garantissant à la France une force de travail hautement qualifiée. Mais plutôt que de reconnaître cette réalité, Paris préfère entretenir un mythe, celui d’une immigration qui coûterait plus qu’elle ne rapporte.

Autre angle mort du débat, les accords économiques, notamment celui de 1994, censé structurer les relations commerciales entre les deux pays. Dans les faits, il s’est surtout traduit par une ouverture massive du marché algérien aux entreprises françaises, tandis que les opportunités pour les sociétés algériennes en France sont restées limitées, voire inexistantes.

Total, Renault, Alstom, Sanofi et bien d’autres mastodontes français ont engrangé des bénéfices colossaux en Algérie, bénéficiant d’exonérations fiscales, de facilités d’implantation et d’un accès privilégié aux ressources locales. En revanche, combien d’entreprises algériennes ont pu prospérer en France dans des conditions équivalentes ? Aucune.

Et pourtant, lorsqu’il s’agit de parler de « dépendance », c’est toujours l’Algérie qui est pointée du doigt. L’ingratitude économique a rarement été aussi bien maquillée.

Pendant des décennies, Paris a dicté les règles du jeu, imposant ses conditions tout en bénéficiant d’un laxisme diplomatique. Cette époque est terminée. En convoquant son ambassadeur, Alger envoie un signal clair : l’ère des privilèges à sens unique touche à sa fin.

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L'express quotidien du 17/03/2025

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