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Abdenour Djemaï, l’orfèvre du chaâbi aux mille cordes

Il y a des musiciens qui traversent les scènes comme des étoiles filantes, et d’autres qui creusent un sillon profond dans le paysage musical, façonnant des sonorités et influençant des générations sans jamais se mettre en avant. Abdenour Djemaï appartient à cette seconde catégorie. Virtuose du banjo, du mandole et de la guitare, il est de ces artistes dont le jeu transcende les genres et les frontières, reliant le chaâbi, la musique kabyle et les sonorités du monde dans une même vibration.

Né à Béjaïa, ville où la mer rencontre la montagne et où les traditions musicales s’entrelacent, Abdenour Djemaï grandit dans un environnement où la musique est omniprésente. « J’ai toujours entendu jouer autour de moi, il y a toujours eu des instruments à la maison », confie-t-il. Ce n’était donc qu’une question de temps avant qu’il ne s’approprie ces cordes qui allaient devenir son langage. Très vite, il se fait un nom dans les cercles chaâbis et kabyles, animant les fêtes locales et forgeant son identité musicale au contact des anciens.

Son jeu singulier, à la fois précis et instinctif, attire l’attention bien au-delà de sa ville natale. Il ne tarde pas à s’imposer comme l’un des instrumentistes incontournables du chaâbi contemporain.

Comme tant d’artistes algériens, Abdenour Djemaï prend le chemin de l’exil, direction la France. Paris devient son nouveau terrain de jeu, un espace où il multiplie les collaborations et se fond dans une effervescence musicale où se croisent les héritiers de la tradition et les explorateurs de nouvelles fusions.

Sa virtuosité le rend vite indispensable. Il accompagne Takfarinas, Safy Boutella, Djamel Allam, Rachid Taha, Karim Ziad, et bien d’autres figures majeures de la musique maghrébine. Son nom s’inscrit aux crédits d’innombrables enregistrements, qu’il s’agisse de chaâbi, de raï, de musique gnawa ou même de chanson française. D’autres le choisissent comme chef d’orchestre, Hindi Zahra fait appel à lui non seulement comme guitariste mais aussi comme arrangeur, une reconnaissance qui témoigne de son talent protéiforme.

Avec son trio acoustique fondé en 1999, puis au sein du groupe Zalamite, il explore d’autres territoires sonores, mêlant le groove, la pop et le reggae aux racines profondes de la musique algérienne. Il ne se contente pas d’être un interprète, il compose, arrange, façonne des univers entiers, mettant son art au service de projets ambitieux et novateurs.

À travers ses cordes, il raconte l’histoire d’un peuple, d’un exil, d’une culture qui refuse de se figer. Sa musique vibre d’une double appartenance, celle de son Algérie natale et celle des terres où il a planté son mandole.

Qu’il soit sur la scène de l’Opéra Comique avec Fellag pour Opéra d’Casbah, dans les Folles Nuits Berbères de Méziane Azaïche, ou aux côtés de Sidi Bémol depuis plus de deux décennies, il insuffle à chaque note une intensité rare, cette alchimie qui fait la grandeur des musiciens intemporels.

Dans l’ombre des plus grands ou sous les projecteurs de ses propres projets, Abdenour Djemaï incarne par son humilité cette génération d’artistes qui, loin des discours nostalgiques, réinvente le chaâbi et la musique kabyle avec une modernité éclatante. 

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L'express quotidien du 27/03/2025

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