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Ammar Belhimer: « Le Hirak a sauvé l’Etat et remis sur rails le processus d’édification nationale » (Entretien)

« L’Algérie se trouve aujourd’hui à la croisée de deux courants : celui des nostalgiques de la sinistre période coloniale, qui se cachent derrière des prétentions démocratiques avec leur logiciel transitionnel, et celui des tenants d’un changement ordonné par la voie pacifique et institutionnelle. Le référendum constitutionnel de novembre a plébiscité le deuxième choix. Ni chaos ni statu quo ». 

L’Express : Le peuple algérien a fêté l’an II du Hirak dans la sérénité. Les manœuvres tramées ailleurs pour pousser à la violence et au chaos ont été mises en échec. Quelle est votre appréciation ?

Le 22 février est inscrit dans la mémoire collective et le droit algérien comme « Journée nationale de la fraternité et de la cohésion entre le peuple et son armée pour la démocratie », seule garante pour le développement et la préservation de l’état national ; tant il est vrai que, comme le dit l’adage romain, c’est dans la paix que se développent le commerce et les villes.

Le peuple algérien a donné au monde entier une leçon de pacifisme et de civisme à travers un mouvement de protestation pacifique entamé le 22 février 2019, qui avait atteint le summum de la liberté, de la maturité et de la conscience. 

Le Hirak a sauvé l’Etat et remis sur rails le processus d’édification nationale, barré la route aux fauteurs de trouble et de la discorde et fait tomber les forteresses de la corruption qui ont failli compromettre l’avenir de générations entières de nos compatriotes.

Le Hirak populaire, dont le peuple algérien vient de célébrer le deuxième anniversaire, constitue une référence pour les peuples et les élites, et ce, en dépit des parasitages multiples qu’il subit à partir des réseaux sociaux et des sites d’information actionnés de l’extérieur.

L’institution de cette Journée vient consacrer un lien, authentique et exceptionnel, reflétant le lien séculaire puissant entre l’Armée nationale populaire (ANP) et la Nation. 

En Algérie, l’Armée et le Peuple sont l’incarnation du passé et du présent communs et du futur prometteur pour lequel nos glorieux Chouhada (Martyres) ont payé un lourd tribu à travers la plus héroïque épopée de lutte, de résistance et de libération face à l’une des plus puissantes armées coloniales.

Le Président de la République a déclaré récemment à la presse nationale qu’au deuxième anniversaire du Hirak populaire, si le peuple est sorti pour commémorer cette occasion, une petite minorité y participe toutefois pour d’autres raisons qui ne sont pas toutes en phase avec les revendications du Hirak authentique.

Il a rappelé, dans ce cadre, que les revendications du Hirak authentique ont été satisfaites pour la plupart, à l’instar de l’annulation du 5ème mandat, le changement du Gouvernement, la dissolution du Parlement, la répression des faits avérés de corruption, etc. 

A l’origine, mouvement transcourant et trangénérationnel, est aujourd’hui menacé par certains courants politiques qui l’ont infiltré pour le faire dévier de sa vocation citoyenne, patriotique, démocratique et plurielle.

Il est donc à craindre que sa nouvelle variante s’installe dans le prolongement de ces subversions préfabriquées colorés qui, au demeurant, révèlent chaque jour davantage leur caractère contre-révolutionnaire.

Des ONG domiciliées à Genève ou à Londres, des résidus irréductibles de l’ex-FIS et des revanchards mafieux de l’ancien système travaillent d’arrache-pied pour propager les mots d’ordre de désobéissance civile, de troubles et de recours à la violence.

L’accumulation soutenue de biens mal acquis et le maintien de leurs relais dans tous les appareils de l’Etat et à tous les niveaux de décision, leur confère une force de frappe qui n’a pas encore été totalement désarmée. Par conséquent, ils escomptent un retour aux affaires et aux commandes à l’aide de marches quotidiennes là où elles peuvent être tenues, appuyant des mots d’ordre hostiles à l’institution militaire et aux services de sécurité. Ce qui est en fait visé ce sont les institutions, l’ordre public, la stabilité et la souveraineté nationale ; le but ultime étant de consacrer le chaos et de multiplier les canaux et les occasions pour l’ingérence étrangère. 

Au final, c’est la quête d’une nouvelle hégémonie qui est recherchée.

L’Algérie se trouve aujourd’hui à la croisée de deux courants : celui des nostalgiques de la sinistre période coloniale, qui se cachent derrière des prétentions démocratiques avec leur logiciel transitionnel, et celui des tenants d’un changement ordonné par la voie pacifique et institutionnelle. Le référendum constitutionnel de novembre a plébiscité le deuxième choix. Ni chaos ni statu quo.

Comme le dit si bien mon ami Samir Bouakouir, « la ligne de fracture n’est pas entre le peuple et le pouvoir, ni l’un ni l’autre ne sont monolithiques. Elle l’est entre ceux qui veulent construire le changement avec des moyens pacifiques, institutionnels et politiques et ceux qui veulent entretenir l’immobilisme, créer un climat délétère et anxiogène et tenter de provoquer l’affrontement et la violence pour replonger le pays dans l’avant-22 février 2019 ou dans les années 90.

« Il est temps pour les patriotes et plus généralement les militants de la démocratie et du progrès, notamment ceux engagés dans le mouvement populaire, de se démarquer clairement, au risque d’être complices, et de dénoncer ce dangereux magma qui attise la colère populaire et qui cherche à dévoyer les légitimes aspirations des Algériennes et des Algériens à la paix, à la liberté et à la justice sociale ».

Les positions de l’Algérie dérangent et elle est la cible d’attaques perfides de plusieurs parties qui tentent de fissurer la cohésion nationale et d’instaurer dans le pays une instabilité permanente. Les ripostes médiatiques à toutes ces manœuvres sont-elles suffisantes ?

Je tiens à saluer les médias algériens qui dès qu’il s’agit de défendre les intérêts du pays, font front uni face à l’ennemi. 

Effectivement l’Algérie a toujours payé le prix de ses positions immuables en faveur des causes justes à travers le monde. C’est là la nature même d’un Etat issu d’une révolution armée pour le recouvrement de son indépendance qui lui a couté le sacrifice de plus de 1,5 million de Martyrs.    

Nos médias, qui ne manquent jamais à leur devoir, n’ont pas hésité un instant à contrer les campagnes antinationales. Ils n’ont pas besoin de tutelle administrative, ni de leçons de patriotisme pour le faire. Ils font partie intégrante de la cohésion nationale. Ils font montre d’un haut niveau de professionnalisme, et ce, depuis la première semaine du Hirak béni, mais également à d’autres occasions nationales, notamment, pour faire face à la crise sanitaire en cours.

Il est clair que de par son rôle moteur dans l’accélération du processus de libération nationale et l’autodétermination, ainsi que de son statut de leader régional, à potentiels économique et humain considérables, l’Algérie a toujours dérangé et fait l’objet de convoitise. 

Notre pays assume des positions politiques constantes et inaltérables tant sur le plan régional qu’international, contre toute forme de colonialisme, en faveur du droit des peuples à décider d’eux-mêmes, de la non-ingérence dans les affaires internes, du développement.

Cependant, moyennant les nouvelles technologies les attaques soutenues menées contre notre pays ont pris de nouvelles formes. Il s’agit désormais de cyberguerre orchestrée par des parties étrangères et contre lesquelles nous mettons sans cesse en garde.

La guerre numérique, déclarée ou non, engage des armées connues, d’autres moins. Des acteurs clandestins, résolus, s’attaquent à la sécurité intérieure des Etats et aux libertés individuelles et collectives.

La nouvelle puissance numérique a ceci de particulier qu’elle est redoutable par sa puissance (en raison de l’effet multiplicateur des dégâts qu’elle cause), sa vitesse d’exécution, sa portée planétaire et la saturation des réseaux et le refus d’accès qu’elle génère.

Les défis attachés à la détention, des données sont également de trois d’ordres : moral (droits et libertés fondamentales) ; économique (monopoles et abus de positions dominantes) ; sécuritaire (menaces à la souveraineté nationale).

Efficacité et instantanéité caractérisent les cyberattaques. Elles empruntent enfin des voies bien insoupçonnables. Si les médias traditionnels emploient des humains pour produire et diffuser leurs messages en observant des lois et réglementations, des règles éthiques ou coutumières, générant un degré rassurant de responsabilité, ce n’est plus le cas des conservateurs d’algorithmes de robot de Facebook-Google-Twitter qui, placés sont mis sur pilotage automatique, un peu comme des drones tueurs sur lesquels aucun humain n’assume sa responsabilité. 

La bureaucratie et la corruption sont deux maux qui ont miné la confiance du citoyen envers les institutions de l’Etat. La Nouvelle Algérie ne peut se construire avec la persistance de ces pratiques. La transparence, la prévention et la lutte contre la corruption figure en bonne place dans la Constitution. Comment traduire cela sur le terrain et dans le quotidien du citoyen ?

Je peux vous garantir que la volonté politique de combattre les anciennes pratiques ayant gangréné la gestion du pays durant les vingt dernières années, notamment la corruption à haute échelle et dans tous les secteurs, est très forte dans l’Algérie nouvelle.   

La lutte contre la bureaucratie, la corruption, le clientélisme, et autres phénomènes devenus monnaie courante, nécessite aussi l’implication de l’ensemble de la société car à elles seules les lois ne suffisent pas.

Notre pays a réussi à sortir avec force et détermination d’une situation cataclysmique, durant laquelle le pouvoir était entre les mains de forces occultes et anticonstitutionnelles plusieurs années durant, pour recouvrer une situation de légitimité, et ce, au lendemain de l’élection du Président de la République, Abdelmadjid Tebboune.

L’autre progrès réside dans le renforcement de la confiance existant entre le peuple algérien et les institutions de son Etat, en particulier la présidence de la République et l’Armée nationale populaire (ANP). Ce qui a permis une consolidation du front intérieur et d’entreprendre sous de bons auspices la moralisation de la vie politique. 

Qu’avez-vous à dire à certaines voix de l’opposition qui mettent en avant la libération des détenus politiques et d’opinion, la levée des entraves aux libertés publiques, la libération des champs politique et médiatique ?

Grâce aux dispositions contenues dans la nouvelle Constitution, l’Algérie ne pourra évoluer que dans le sens de la consécration des libertés publiques et individuelles.

L’Etat soutient puissamment la liberté de la presse qui n’a de limites que celles de l’éthique et du droit.

Pour certaines ONG, rarement désintéressées, l’Algérie est curieusement le baromètre privilégié de leur surveillance du niveau de respect de cette liberté dans le monde, sous le prisme européocentriste déformant.   

La pratique apaisée des libertés ne peut être garantie sans le respect absolu de la caution juridique de l’ordre public interne et de la stabilité. Il est donc nécessaire que l’État intervienne en tant que régulateur dans le secteur des médias pour satisfaire aux exigences du triptyque sûreté, sécurité et stabilité.

Le dossier de la mémoire, de la condamnation des crimes du colonialisme français et de la récupération des archives tarde à être parachevé alors qu’une volonté positive a été décelée chez le président français Emmanuel Macron pour son règlement. En finira-ton avec ce dossier avant le 1er novembre prochain ?

Le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait affirmé, à l’occasion du 75e anniversaire des massacres du 8 mai 1945 que notre Histoire demeurera toujours au premier plan des préoccupations de l’Algérie nouvelle et de sa jeunesse. Une histoire que nous ne saurions, en aucun cas, omettre dans nos relations étrangères.

Lors de son entrevue avec des responsables de médias nationaux, diffusée lundi soir par l’ENTV, le Président de la République a déclaré : « Nous ne renoncerons jamais à notre mémoire qui ne peut faire l’objet de marchandage mais les choses doivent se régler intelligemment et sereinement ». 

Il a également relevé que le Pouvoir algérien « avance résolument dans le cadre des bonnes relations avec la France car cette voie est toujours bénéfique « . 

Le Président a, par ailleurs, rappelé sa relation « cordiale » avec le Président français, « qui a permis d’atténuer une certaine crispation dans les positions ». Enfin, il a fait état, dans ce sens, de puissants lobbies en France, notamment « un impliquant des voisins et qui s’emploient à parasiter les relations entre les deux pays et un autre représentant ceux qui ont perdu leur paradis (l’Algérie) et qui leur reste en travers de la gorge ».

Il sera procédé dans les prochains jours, comme tracé dans l’agenda du président de la République à la convocation du corps électoral. Quelle stratégie médiatique allez-vous mettre en place pour convaincre les citoyens d’aller aux urnes et de participer en force à l’édification de la nouvelle Algérie ?

Le citoyen algérien, qui a su faire tomber pacifiquement un régime ayant « régné » sur le pays durant une vingtaine d’années, est plus que conscient de l’importance de la prochaine échéance électorale. D’ailleurs, la dissolution du Parlement a été l’une des revendications premières du Hirak ; le Président de la République, Abdemadjid Tebboune vient de la concrétiser.

Les prochaines élections législatives et locales anticipées seront, le moment venu, une occasion pour l’Etat d’affirmer son attachement à la moralisation de l’action politique, la promotion de la performance des élus du peuple dans le cadre de la transparence, de la lutte contre la corruption, de l’égalité des chances homme/femme et du renforcement de la participation des jeunes algériens sans exclusive.

Après promulgation de la Constitution, il a été procédé à l’enrichissement de la mouture du projet de loi électorale, en y associant les différentes parties prenantes, à leur tête les partis politiques et la société civile.

Pour le bon déroulement de cet important rendez-vous électoral le ministre de la Communication s’attèlera à accompagner l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) et à la soutenir en matière de communication.  

Les attributions du ministère de la Communication sont définies, notamment, dans l’article premier du décret exécutif 11-216 du 12 juin 2011. Il y est stipulé que dans le cadre de la politique générale du gouvernement et de son plan d’action, le Ministre de la Communication exerce ses attributions sur l’ensemble des activités « liées à la promotion, la consolidation de la démocratie et de la liberté d’expression ainsi qu’au développement de la communication ».

Dans la perspective des prochaines élections anticipées, le « rôle central » incombe naturellement à l’ANIE, main d’œuvre de toute l’opération.

En effet, elle est en charge de la préparation, de l’organisation, de la gestion et de la supervision de l’opération électorale. 

Vous avez appelé à la transition numérique de la presse écrite, une transition que vous avez qualifiée d’impérative.    Cette transition bute sur plusieurs blocages signalés par les professionnels du secteur. Que va faire votre département pour accélérer cette opération et la mener à terme ?

Des instructions ont été données pour faciliter toutes les procédures administratives de création de sites électroniques d’information. Il n’y a aucune bureaucratie. Vous pouvez le vérifier par vous-mêmes puisque vous êtes déjà propriétaire d’un site électronique et vous venez d’accomplir, en un temps record, les formalités requises pour le lancement d’un quotidien.    

La transition numérique de la presse écrite est désormais une nécessité impérieuse, au regard de l’évolution de la scène médiatique, marquée notamment par l’abandon par plusieurs journaux de l’édition papier pour se tourner vers l’édition électronique.

Les tirages papier de la presse écrite ont reculé de 80% entre 2010 et 2019. Ce taux a encore baissé avec la propagation de la pandémie Covid-19 à travers le monde, impliquant une transition impérative vers la presse numérique d’où la nécessité d’établir une liaison électronique entre les différents médias, dont la presse électronique et les chaînes de radio et de télévision via le web.

Par ailleurs, les engagements internationaux de l’Algérie lui imposent une transition définitive vers l’ère numérique. C’est pourquoi nous avons accéléré l’opération et nous avons atteints l’objectif escompté.

Le conseil de la presse tarde encore à être installé alors qu’il figure parmi vos priorités. Pourquoi tant de lenteurs ? 

L’année 2021 sera consacrée à l’amendement de la loi organique n°12-05 du 12 janvier 2012 relative à l’information en vue de l’adapter à la nouvelle Constitution et aux mutations que connait le secteur. 

La future loi sera pensée avec le concours de l’ensemble des acteurs et professionnels du secteur. 

Sa réinitialisation permettra de lancer la concrétisation du Conseil de la presse écrite et électronique et d’améliorer la prestation de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV).

Pendant ce temps-là, les autres chantiers engagés par le ministère pour assainir le secteur, se poursuivront à grand pas à l’image de l’élaboration d’un cadre juridique relatif à la publicité et un autre régissant l’activité des sociétés de communication. 

Toutefois, le marché de la publicité n’a pas été laissé dans l’état d’anarchie qu’il connaissait. 

En attendant l’adoption du décret exécutif relatif à cette branche d’activité, l’ANEP a entrepris, en sa qualité de régie exclusive de l’Etat, de mettre en conformité l’accès aux annonces publiques avec les lois de la République, par une série de critères transitoires, quinze en tout, qui prennent progressivement effet. 

Cette mesure s’inscrit dans la volonté des pouvoirs publics de mettre fin aux anciennes pratiques en arrêtant d’activer dans le non-droit, l’informel et les prête-noms, et à l’impératif d’assainir le secteur par une contractualisation basée sur des normes juridiques claires qui vont encadrer dorénavant le cadre conventionnel, ce qui permet aux éditeurs, quel que soit leur support, d’accéder à la publicité de l’Etat. 

C’est aussi le cas de la presse électronique où nous avions mis fin à l’anarchie par l’élaboration d’un décret aujourd’hui en vigueur. 

Par ailleurs, la réactivation du Fonds d’aide à la presse, gelé en 2015, sera prochainement relancé, pour venir en aide aux médias privés afin de surmonter leurs difficultés financières, compliquées davantage par l’arrêt des activités engendré par la pandémie du Covid-19. 

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