La Chine deviendra bientôt la première puissance économique mondiale. Mais inégalités et oppression attisent des contestations que seule la main de fer du président Xi Jinping contient encore.
Le succès du Parti communiste chinois, c’est surtout la négation de ses principes… Si la Chine doit, aux alentours de 2025, doubler les États-Unis et devenir la première puissance mondiale (si ce n’est déjà fait, selon certains économistes), c’est parce qu’en 1978, Den Xiaoping l’a lancée dans le capitalisme.
Lorsque naît la République populaire, en 1949, elle compte 20 % de la population du monde, mais seulement 3 % de sa richesse. Après trente ans d’économie à la soviétique, ce qui avait été, au XVIIIe siècle, le plus puissant empire du monde, n’a guère progressé. Certes, la richesse produite par habitant a doublé en Chine, mais elle a été multipliée par six au Japon.
« Réforme et ouverture »
Et voilà Deng qui, avec sa politique « de réforme et d’ouverture », libère le dragon. Depuis, grâce à une croissance de 14 à 8 % par an, soit le double ou le triple du reste de la planète, la Chine a multiplié son produit intérieur brut par trente ! Sa part dans l’économie mondiale (18 %) dépasse désormais celle des États-Unis (15 %).
Premier exportateur de produits manufacturés et premier importateur de matières premières, elle tire la croissance mondiale aussi bien que les marchés du pétrole, du gaz, du charbon, des minerais ou du soja.
Presque inexistants il y a trente ans, à l’exception de Shanghai, ses ports – Ningbo, Shenzhen, Qingdao, Tianjin et une demi-douzaine d’autres – ont détrôné Rotterdam, New York et tous les grands ports occidentaux. Son marché automobile est devenu le premier au monde. Ses champions ont envahi le top 5 de la plupart des secteurs de l’industrie et des services.
Des géants opportunistes
Bien à l’abri d’une grande muraille protectionniste sur leur marché national, ces géants sont devenus des prédateurs. Le rachat du port du Pirée à une Grèce ruinée n’est qu’une broutille.
Les tigres chinois ont, en quinze ans, dépensé 2 095 milliards de dollars pour s’immiscer au capital du reste du monde : compagnies pétrolières du Kazakhstan à l’Arabie saoudite, mines de l’Australie à l’Afrique, banques aux États-Unis, chimie au Chili, constructeurs auto en Allemagne et en Suède, pharmacie en Suisse. La France, aussi, figure sur la liste des courses, où le dragon mordille le capital de Total, GDF-Suez, Air France KLM, Vivendi, Accor, Peugeot et CMA-CGM.
Une croissance à marche forcée
Mais le triomphe de Pékin n’est ni complet, ni reluisant. Il a certes tiré 850 millions de Chinois du Moyen Âge et fait reculer le taux de pauvreté de 88 % en 1981 à moins de 2 % en 2013, du moins selon les critères du régime, moins exigeants que les normes internationales.
Mais la privatisation des entreprises d’État, dans les années 1990 a laissé 30 millions d’ouvriers sur le carreau. Lâchés par un système qui promettait au moins de quoi manger chaque jour, ils ont observé avec stupeur leurs anciens cadres se vautrer dans le luxe.
Certains des plus entreprenants et des mieux introduits auprès du pouvoir, font même partie des 400 milliardaires du nouvel Empire. Alors que 400, c’est aussi, en euros, le salaire mensuel de 280 millions de « migrants », paysans exilés de leur campagne, qui hantent des chantiers et des usines à taille inhumaine.
Une usine de la taille de Rennes
Parmi elles, celles de Foxconn emploient jusqu’à 200 000 travailleurs sur un même site, comme à Shenzhen. Une usine de la taille de Rennes… On y assemble les smartphones, ordinateurs et tablettes d’Apple, Amazon ou Hewlett-Packard. Du toit de l’une d’entre elles, dix-huit étudiants, enrôlés de force, se sont jetés dans le vide en 2010. Comme les grévistes des sites chinois de Walmart et de Volkswagen, ils sont devenus le symbole du ras-le-bol d’une population dont 95 % du 1,4 milliard d’habitants gagnent moins de 650 € par mois.
L’Union européenne doit-elle s’impliquer davantage en politique étrangère ?
Le prolétariat n’est pas toujours docile, dans cet « atelier du monde » dont les patrons violent ouvertement les lois sociales instaurées entre 1995 et 2008 : 1 500 mouvements de grève ou arrêts de travail le secouent chaque année. Ils ne sont contenus que par l’implacable « stabilité de fer » imposée par le régime, qu’ailleurs on appelle répression. Tout comme les persécutions des Ouïgours et des Tibétains, elle alimente l’un des grands échecs de la Chine de Xi Jinping : on consomme ce qu’elle produit, mais on ne l’aime pas.