Pour nombre d’entre eux, le temps est toujours de l’argent. A l’âge de la retraite, ils sont de plus en plus nombreux à reprendre une activité. En Algérie, plus de 32% des 3 300 000 retraités travaillent tout en touchant une pension. Un chiffre qui a presque triplé ses dernières années.
Cette augmentation est à attribuer en partie au recours des opérateurs privés à la compétence des retraités, De l’autre, rien du coté de la loi ne leur interdit de cumuler intégralement une pension et un revenu d’activité. Mais aussi à la conjoncture économique de plus en difficile, qui pousse de plus en plus de seniors à retravailler par nécessité.
Le portrait-robot du retraité actif correspond à un homme, dans six cas sur dix, encore jeune – plus de la moitié ont moins de 65 ans –, avec des revenus relativement moyens (35000Da en moyenne de pension). Pour environ la moitié d’entre eux, il s’agit d’une activité à temps partiel, parfois chez le même employeur qu’avant la retraite. Mais derrière ce profil de travailleurs aux tempes blanches qui jouent les prolongations pour rester dans le coup, par peur de s’ennuyer ou par plaisir, se cache une réalité plus sombre, révélée notamment par l’explosion du marché d’offres d’emploi pour les seniors.
Derrière les quelques lignes de présentation des candidatures, se devinent les fins de mois difficiles et les budgets ric-rac nous avouera Madjid Benhamadi, industriel qui précise recevoir au moyenne100 demande de recrutement émanant de retraités chaque mois. Tel H. Said, à la retraite depuis mars 2019 mais toujours de l’énergie à donner, qui cherche des heures de bricolage car il n’a qu’une très petite retraite; telle Wassila, femme sérieuse et minutieuse en quête de quelques heures de repassage ou de nettoyage afin d’améliorer son quotidien ou encore Fatima. H, 64 ans, qui recherche une activité qui l’aiderait bien financièrement, elle qui a à charge 5 bouches à nourrir.
Membre depuis 2018 de l’association cadres en chômage, qui recense quelques centaines annonces, T.R a vu le marché exploser ces dernières années. Depuis l’été 2020, le nombre de candidatures a quadruplé. La notoriété grandissante de notre plate-forme en est en partie responsable, mais aussi certainement le contexte économique, explique notre vis-à-vis.
Le bricolage, le jardinage, les gardes d’enfants, tout ce qui tourne autour des aides aux personnes âgées sont les services les plus proposés. La plupart des candidats sont de jeunes retraités, entre 55 et 65 ans en moyenne. Les femmes sont légèrement plus nombreuses. En face, l’essentiel des employeurs est constitué de particuliers.
Un autre industriel ; Maziri Rachid ; nous dira « il y a quelques années, la reprise d’activité correspondait plus à un profil de seniors qui voulaient rester actifs. Depuis pratiquement 6 ans, l’aspect financier rentre de plus en plus en ligne de compte. ». Même si, globalement, le niveau de vie des retraités est supérieur à celui des actifs, une partie de la population senior a aujourd’hui du mal à joindre les deux bouts.
Des centaines de milliers de retraités dont la majorité sont des femmes responsables de foyers, perçoivent une pension inférieure à 12000 Da par mois, bien au-dessous du seuil de pauvreté. Près des deux tiers étaient des femmes, pénalisées parce qu’elles n’ont pas assez cotisé leur vie professionnelle.
Dans les organisations et associations caritatives, les retraités représentent aujourd’hui 15 % des personnes venant solliciter une aide alimentaire ou un soutien financier pour régler un loyer, une facture d’électricité ou de gaz ou des frais médicaux. Un pourcentage qui, en quelques années, a doublé, estiment des associations locales.
L’augmentation des divorces, le taux de séparation des plus de 60 ans a crû de 30 % chez les femmes et de 37 % chez les hommes en dix ans, explique aussi ces difficultés. Au moment de sa retraite, un Algérien sur sept se retrouve seul, et donc sans personne avec qui partager les dépenses.
En regard de la conjoncture économique et sociale qui sévit depuis l’avènement de la crise sanitaire, la solidarité familiale envers les enfants, les petits-enfants, voire les parents, grignote de plus en plus les marges de manœuvre qu’avaient les personnes qui arrivaient à la retraite. Toutes les questions liées au déremboursement des médicaments, au financement d’une mutuelle ou de frais liés à la dépendance représentent aussi de fortes pressions budgétaires.
Tous les spécialistes s’accordent pour dire que le marché de l’emploi des seniors est promis à un bel avenir, avec la paupérisation annoncée d’une partie des retraités.Les prochaines vagues de retraités correspondront à des générations qui auront davantage connu des aléas de carrière comme le chômage ou le salaire maigre, autant de périodes où l’on cotise moins pour ses vieux jours.