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Hydrocarbures: Incertitude de l’économie mondiale et flambée du prix du pétrole/gaz

Le pétrole est coté le 6 octobre à 13h GMT à 81,94 dollars le Brent et 78,30 dollars le Wit et en Asie le GNL dépasse, y compris le transport, les 35 dollars le MBTU contre  27 millions de BTU début septembre où en équivalent baril de pétrole, devant multiplier par six, équivaut à 150 dollars le baril de pétrole, soit presque deux fois plus que le prix du baril de Brent qui vient de passer la barre des 80 dollars. C’est une des conséquences de l’envolée du prix du pétrole qui tire une partie de la demande dédiée à la production d’électricité et au chauffage. Cependant, seule une petite frange des centrales électriques disposent d’une capacité de basculement vers le pétrole ou le charbon, selon Tony Syme, économiste au sein de Salford Business School, le nombre ayant diminué ces trente dernières années du fait de la prise en compte de l’impact environnemental des combustibles fossiles. L’alliance composée des treize membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole OPEP et dix membres hors OPEP lors de la  récente réunion d’une décision mesurée, face à l’incertitude de l’économie mondiale, ajustement à la hausse de la production globale mensuelle de 400.000 barils/j par jour pour en attendant la prochaine réunion prévue le 04 novembre 2021 explique également cette tensions sur les prix.

1.-Une croissance mondiale incertaine expliquant l’attitude de l’OPEP+

Avec le déploiement des vaccins et l’assouplissement des mesures de confinement les cours et la demande d’or noir ont connu une hausse inégalée tandis qu’une pénurie d’énergie dans l’hémisphère nord a fait grimper les prix du gaz naturel à leur plus haut niveau depuis sept ans, avec des répercussions sur le marché pétrolier. Dans le même temps, les stocks de brut ont diminué, l’OPEP représentant 35/40% de la production commercialisée mondiale et  les trois  principaux pays qui ont une influence sur les prix étant l’Arabie Saoudite et la Russie et les USA. Cette progression intervient alors même que la reprise économique mondiale montre des signes de ralentissement en raison de problèmes dans les chaînes d’approvisionnement et dans un climat d’inquiétude concernant le variant Delta, qui entraîne un pic d’infections dans plusieurs pays. Selon la directrice générale du FMI dans une déclaration en date du 05 octobre 2021, je la cite « Nous nous attendons maintenant à ce que la croissance ralentisse légèrement cette année » par rapport à ce que le Fonds monétaire international prévoyait en juillet 2021 de plus 6%, l’institution de Washington qui publiera dans une semaine ses prévisions économiques mondiales actualisées en ouverture des réunions d’automne du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. Dans les pays émergents, qui n’ont pas accès à suffisamment de vaccins, la croissance « continue de se dégrader » tandis que les pays riches devraient retrouver leurs niveaux d’avant-crise « d’ici 2022 ». Si les Etats-Unis et la Chine, les deux premières puissances économiques, restent « les moteurs essentiels de la croissance », « leur croissance ralentit sans compter l’incertitude qui plane sur l’économie américaine qui pourrait faire face à un défaut de paiement. Pour la Chine ,  après le groupe immobilier Evergrande en graves difficultés financières, La capitalisation boursière du groupe immobilier ayant baissé  de 80% depuis le début de janvier 2021, le géant de l’immobilier Fantasia est en défaut de paiement et pourrait faire faillite en laissant 205,7 millions de dollars d’impayés  faisant craindre un krach  qui pourrait se répercuter par effet domino sur les places financières mondiales. Selon le FMI , existe une divergence  entre  les économies avancées qui vont revenir à leurs niveaux d’avant la pandémie « d’ici 2022 » mais avec une   dette publique mondiale qui, selon les calculs du FMI, atteint désormais près de 100% du PIB de l’économie mondiale, alors que  la plupart des pays émergents et en développement « mettront encore de nombreuses années à se remettre » de la crise du Covid-19. Et pour combler cet écart,  la Banque mondiale recommande  comme objectif de faire vacciner 40% de la population mondiale d’ici la fin de cette année 2021  et 70% d’ici la première moitié de 2022 où en plus  que certains pays émergents sont confrontés à des pressions sur les prix qui « devraient persister dont  des prix alimentaires mondiaux, plus de 30% au cours de l’année 2020..C’est dans ce cadre de l’incertitude de  l’économie mondiale que rentre la flambée des prix de l’énergie , qui selon les experts est un phénomène mondial très complexe. Pour  Michael Lynch, président du cabinet Strategic Energy & Economic Research (SEER), les niveaux de prix auxquels se situe actuellement l’or noir auraient été susceptibles de jouer sur la demande si le marché du gaz naturel n’était pas lui-même incandescent, car une partie de la demande de gaz se reporte ainsi sur le marché du pétrole et fait grimper encore davantage les cours. L’augmentation  mesurée face à l’incertitude de l’économie mondiale accroit à court terme  l’inflation mondiale et les tensions sociales dans bon nombre de pays développés et de pays en voie de développement importateurs d’énergie. Ainsi,  pour la France, il y a eu une  hausse annoncée est de  12,6% TTC au 1er octobre des tarifs réglementés du gaz appliqués par Engie avec  une nouvelle hausse de 15% qui pourrait intervenir dans un mois  et   au total  la facture du ménage moyen chauffé au gaz chez Engie, au tarif réglementé, a augmenté de 29% depuis 2019 et de 44% depuis janvier 2020, selon la Commission de régulation de l’énergie. Encore que pour la France , pour l’électricité, il y a moins d’exposition aux prix de marché parce qu’en partie le risque est couvert par le coût du nucléaire historique, bien plus bas que le prix de marché Au Royaume-Uni, dépendant du gaz pour générer de l’électricité et déjà en proie à des pénuries, dont l’essence, les prix du gaz ont augmenté de 85% depuis le début du mois et de 300% depuis le début de l’année. Pour l’Europe  du fait de la météo , nous avons assisté à  une production éolienne en baisse au deuxième trimestre 2021, compensée par le gaz, auquel s’ajoutent  des  problèmes techniques qui ont également pesé sur l’offre  dont les  installations de GNL un peu partout dans le monde avec des  stockages à un niveau historiquement bas.

2. Les stratégies  gazières mondiales

Entre  2018/2019, selon l’AIE nous avons la répartition suivante  33,1 % de pétrole, 27,0 % de charbon, 24,2 % de gaz naturel, 4,3 % de nucléaire et 11,5 % d’énergies renouvelables (hydroélectricité 6,5 %, éolien 2,2 %, biomasse et géothermie 1,0 %, solaire 1,1 %, agro-carburants 0,7 %),  cette structuration étant appelée à évoluer avec la prise de conscience des impacts désastreux pour l’avenir de l’humanité du l’impact du réchauffement climatique. Mais au niveau mondial, la part du pétrole dans la production d’électricité est très faible : moins de 3% en 2019 selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), loin derrière le charbon (36,7%) et le gaz naturel (23,5%). Concernant le gaz naturel, il se trouve sous la surface de la Terre et se compose principalement de méthane et d’autres hydrocarbures. Il est principalement utilisé pour la production d’électricité, le chauffage et comme gaz de cuisson. Le gaz peut également être utilisé pour la climatisation, l’éclairage et comme carburant de remplacement pour les véhicules. Le gaz naturel est considéré comme l’un des combustibles fossiles les plus propres car il émet moins de carbone (environ 50 % de moins que le charbon) et d’autres polluants comme les oxydes de soufre et d’azote. Nous avons deux  types de gaz naturel sur le marché à savoir le gaz naturel et le gaz naturel liquéfié. Le gaz naturel est issu des combustibles fossiles et est composé de matières organiques en décomposition qui sont rejetées dans le sol depuis plusieurs centaines de millions d’années et est acheminé à travers les canalisations. Nous avons le gaz naturel liquéfié  qui a été changé à l’état liquide de manière à le transporter et le stocker plus facilement. En effet, les gisements de gaz naturel étant souvent éloignés d’une grande partie des consommateurs de cette énergie, son transport à l’état gazeux est risqué et coûte cher. Aussi et en le refroidissant, il est possible de le transformer en gaz naturel liquide.  Il existe deux marchés principaux sur lesquels s’échange le gaz naturel mondial. Le plus important est le NYMEX ou New-York Mercantile Exchange situé aux Etats-Unis, et le second, le NBP ou National Balancing Point de lIPE ou International Petroleum Exchange situé à Londres. Il existe d’autres marchés plus petits comme le TTF des Pays-Bas ou celui de Zeebruge en Belgique.  Les réserves mondiales prouvées  sur un total de  197.394 milliards de mètres cubes gazeux( données de 2018/2019)  nous avons par ordre décroissant :  Russie 47.800 milliards de mètres cubes, Iran 33.500, Qatar 24.300, USA 8.714 , Arabie saoudite 8.602, Turkménistan 6061, Venezuela 5702, Nigeria 5.284,  Chine 5.194 et pour l’Algérie  entre 2500 et 3000 selon la déclaration du ministre algérien de l’Energie en décembre 2020 ,  4500 étant celles de BP des années 2000. Les 10 principaux pays producteurs de gaz naturel par ordre décroissant  sont  la Russie  qui  représente à elle seule 20 % de la production mondiale de gaz naturel et est également le plus gros exportateur, au deuxième rang avec la révolution du gaz de schiste étant devenu exportateur en Europe, les  États-Unis d’Amérique, puis vient le Canada ( troisième position) le Qatar quatrième position, l’Iran  ayant été déclassé suite aux sanctions américaines, suivi de la Norvège, la Chine, l’Arabie Saoudite, et l’Algérie qui est  en neuvième position.  Ces données doivent être interprétées avec précaution car on peut découvrir des milliers de gisements,  mais non rentables  selon les normes financières fonction des coûts d’exploitation et de l’évolution du prix international lui-même fonction de la demande et  de  la concurrence des énergies substituables . Quant aux gisements en méditerranée orientale, objet de toutes les convoitises,  elles sont  évaluées à plus de 20.000  milliards de mètres cubes gazeux. La  Commission européenne, le 03 avril 2017 avec  trois Etats membres de l’UE – l’Italie, la Grèce, et Chypre – a paraphé un plan avec Israël prévoyant la construction d’un gazoduc allant de ce pays vers les côtes sud-européennes. A l’horizon 2025, le gazoduc, qui serait long de 2 200 kms, acheminerait jusqu’à 16 milliards de mètres cube par an des champs pétrolifères maritimes israéliens et chypriotes vers l’Italie et la Grèce, pour un coût  évalué à 6 milliards d’euros, financé  en partie  par les banques Goldman Sachs et JP Morgan.

3.-Le pourquoi la flambée du prix du gaz ?

Fin septembre, début octobre ,  le prix du gaz naturel liquéfié (GNL) importé par l’Asie du Nord-Est a dépassé les 30 dollars par million de btu (british thermal unit, la mesure de référence sur ce marché) et vient de battre un record le 05 octobre 2021  la cotation du gaz  le 05 octobre 2021 était de   34,47 dollars le  MBTU.  En Asie, la   demande chinoise, s’est   accentuée par la vague de froid, où à  Pékin, le thermomètre est descendu à -20 degrés en janvier, la capitale chinoise n’ayant  pas subi de températures aussi glaciales depuis les années 1960,   et 29 dollars en Europe   équivalent sur baril de pétrole ça fait 200 dollars le baril du pétrole où actuellement chaque bateau de GNL commandé actuellement vaut une  fortune,   idem pour le charbon, avec des prix autour de 200 dollars par tonne, le marché du carbone et du pétrole. L’atténuation des tensions sur le gaz  notamment pour l’Europe dépendront du côté approvisionnement, de l’augmentation ou non des livraisons de gaz à l’Europe du russe Gazprom, qui s’est dit  prêt à étudier de nouveaux contrats pour augmenter les volumes .   De façon plus immédiate, les  gouvernements  peuvent  aider les ménages en jouant sur la fiscalité au travers de la TVA ou de taxes spécifiques, comme il peut  élargir des aides comme le chèque énergie, aux  ménages modestes et les  entreprises peuvent acheter sur le plus long terme  afin  profiter de tarifs plus avantageux à l’horizon de quelques années, mais la majorité des gouvernants  pourrait décider de « lisser » les hausses de tarifs en anticipant sur les baisses futures,  en répercutant seulement une partie sur les consommateurs pour l’instant.  Cette hausse des prix a été une aubaine pour les gisements marginaux USA, au bord de la faillite, fortement endettés vis-à-vis des banques dont la rentabilité tourne autour de 50/60 dollars le baril,   mais alors que le prix du pétrole et du gaz   est à un niveau très élevé Europe et en Asie,  l’industrie américaine de la fracturation n’a pas  augmenté sensiblement  sa production. Selon l’EIA, la production pétrolière américaine était de 11,1 millions de bpj à la fin mars 2021, mais elle n’a augmenté que de 400 000 bpj à la fin août, mais ces  données pour la fin août 2021 sont antérieures à l’ouragan Ida qui a temporairement emporté la majeure partie de la production offshore dans le golfe du Mexique.  La raison la plus courante invoquée par les grandes compagnies pétrolières américaines est qu’elles prévoient de maintenir la production à un niveau stable afin d’augmenter les dividendes pour les actionnaires. Mais existent d’autres raisons. L’enquête sur l’énergie  en mars  2021 publiée par la Banque de la Réserve fédérale de Dallas met en relief quatre facteurs en mars : consolidation de l’industrie, difficultés de financement, prévisions pessimistes et réglementation fédérale – qui empêchent les compagnies pétrolières de produire davantage de pétrole ;  la hausse des coûts et l’incapacité à embaucher du personnel qualifié ;   64 % des personnes interrogées s’attendent à ce que le prix du WTI se situe entre 65 et 75 dollars le baril d’ici la fin décembre 2021.  De nombreuses sociétés de production américaines ayant répondu à l’enquête ont cité la hausse des coûts des matières premières, du carburant et du personnel comme des facteurs inhibant la croissance de la production. Par exemple, 39 % des entreprises ont déclaré que leur société avait du mal à embaucher et que les travailleurs cherchaient à être mieux payés que ce qu’ils offraient. Les restrictions gouvernementales et les problèmes d’obtention de permis pour la construction de pipelines sont également considérés comme des facteurs qui augmentent les coûts des entreprises, en plus  des problèmes persistants avec la chaîne d’approvisionnement. Toujours selon cette enquête le manque d’accès aux sources traditionnelles de capitaux , certains  pensant  que les bailleurs de fonds seraient incités à revenir dans le secteur du schiste alors  d’autres  pensent qu’avec la transition énergétique,  avec les  attitudes négatives à l’égard de la production de combustibles fossiles adoptées par l’administration actuelle, continueront à supprimer les financements.

En conclusion l’on devrait assister à des prix élevés des fossiles traditionnels entre 2021/2025, en attendant que  la transition énergétique, irréversible avec le réchauffement climatique se mette en place 2025/2030,  mais qui   ayant un cout à moyen terme, le cout des énergies renouvelables, avec les innovations technologiques,  ayant diminué de plus de 50%.  Les pays de l’OPEP+ peuvent en profiter durant  un temps car  la demande  ira en décroissant entre 2022/2030, grâce aux recettes pour réaliser cette transition énergétique s’ils ne veulent  pas  être marginalisés,  les pays du Golfe et  l’Arabie Saoudite l’ont  compris.  Concernant l’Algérie les  exportations de l’Algérie se font grâce au GNL qui permet une souplesse dans les approvisionnements des marchés régionaux pour 30% et  par canalisation pour 70%. L’Algérie possède trois canalisations. Le TRANSMED, la plus grande canalisation d’une capacité de 33,5 milliards de mètres cubes gazeux, le MEDGAZ  directement vers l’Espagne à partir de Beni Saf au départ d’une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux qui après extension prévu courant 2021 la capacité sera porté à 10 milliards de mètres cubes gazeux et le  GME via le Maroc dont  l’Algérie a décidé d’abandonner,  dont le contrat s’achève le 31 octobre 2021, d’une capacité  de 13,5 de milliards de mètres cubes gazeux. A court terme, l’Algérie profite peu de ces hausses puisque selon le rapport de l’OPEP de juillet 2021 la production est passée de plus de 1,2- 1,5 millions de barils/j entre 2007/2008 à environ 950.000 barils/j contre 850.000 en mai 2021, et pour le gaz plus de 65 milliards de mètres cubes gazeux à 40 en 2020, espérant 43/44 pour 2021, du fait de la forte la consommation intérieure, renvoyant à la politique généralisées des subventions et de la faiblesse des investissements  ayant peu attiré les investisseurs étrangers. Les opérateurs  attendent les lois d’application de la loi des hydrocarbures et le code des investissements. Encore qu’il faille se méfier du juridisme, ayant parfois les meilleures lois peu appliquées, devant s’attaquer à l’essence du blocage, le système bureaucratique rentier.

Auteur: Pr Abderrahmane Mebtoul

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L'express quotidien du 03/02/2025

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