La révision de l’Accord d’Association entre l’Algérie et l’Union Européenne, selon une approche « gagnant-gagnant », tel qu’ordonné par le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, représente une nécessité, voire une urgence, pour remettre cet accord dans le bon sens, selon plusieurs observateurs qui pointent des relations économiques et commerciales en défaveur de l’Algérie.
Lors du Conseil des ministres tenu dimanche, Tebboune a instruit à l’effet de revoir les dispositions de cet accord, signé en 2002 et entré en vigueur en 2005, « clause par clause » et en fonction d’une « vision souveraine et d’une approche gagnant-gagnant ».
La révision ciblée doit surtout tenir compte, selon lui, de « l’intérêt du produit national en vue de créer un tissu industriel et des emplois ».
Aujourd’hui, après 16 ans d’application, cadres supérieurs, experts, opérateurs économiques et société civile s’accordent à dire que l’accord n’a pas réellement profité à l’Algérie, sur le plan économique et commercial notamment.
Une évaluation de l’impact de l`Accord sur le commerce extérieur du pays sur 10 ans (2005-2015) conforte ce constat.
Le cumul des exportations algériennes hors hydrocarbures (HH) vers l’UE, premier partenaire du pays, n’a même pas atteint les 14 milliards de dollars (mds USD) durant cette décennie, alors que le cumul des importations algériennes auprès de l’UE s’est chiffré à 220 mds USD, avec une moyenne annuelle de 22 mds USD.
En plus, l’accord a engendré un manque à gagner de plus de 700 milliards de DA aux recettes douanières algériennes durant la même période.
Sur 15 ans (2003-2018), les exportations algériennes HH vers l’UE sont passées de 344 millions USD en 2003 (deux ans avant l’application de l’accord) à 889 millions USD à peine en 2018.
Pourtant, l’Algérie visait, à travers l’accord, de promouvoir ses exportations hors hydrocarbures vers l’Europe et de voir les investissements européens en Algérie croitre.
Dans son article1, l’accord prévoit de « développer les échanges, assurer l’essor de relations économiques et sociales équilibrées entre les parties, et fixer les conditions de la libéralisation progressive des échanges de biens, de services et de capitaux ».
« La balance commerciale est très défavorable à l’Algérie. L’accord d’association Algérie-UE n’a généré ni l’investissement direct étranger, qui est pratiquement nul, ni de postes d’emploi et de croissance économique », déplorait récemment l’expert économique Berchiche Abdelhamid.
« Il y a un déséquilibre flagrant dans les échanges commerciaux entre l’UE et l’Algérie », constate, pour sa part, le professeur à l’Ecole supérieure de Commerce d’Alger, Derghoum Mahfoud, notant qu’il y a « moins d’investissements direct étrangers (IDE) et peu d’exportations de l’Algérie vers l’UE ».
« Le bilan chiffré de cet accord fait ressortir une perte fiscale de 2 mds USD/an mais il y’a, quand même, d’autres pertes dont des dommages collatéraux qu’il va falloir recadrer », recommandait, à son tour, la directrice de la Chambre Algérienne du Commerce et d’Industrie, Mme Wahiba Bahloul.
« Tout le chapitre relatif à l’investissement n’a pas été pris en charge », a-t-elle regretté lors d’une récente rencontre à Alger, pointant un accord « mal négocié » dès le début.
Pour la révision escomptée, elle suggère notamment « d’impliquer les opérateurs économiques algériens, comme ça été fait pour la Zone de libre échange continentale africaine (Zlecaf), où l’Algérie a été impliquée dans le processus du début jusqu’à la fin, ce qui lui a permis d’évaluer les atouts et les faiblesses de l’intégration dans cette zone ».
Du fait des résultats mitigés de l’accord, sur le plan économique et commercial notamment, la mise en place d’une zone de libre échange entre les deux parties, initialement prévue pour 2017, a été décalée à septembre 2020.
A cette date, l’Algérie a lancé de nouvelles concertations avec l’UE pour réévaluer l’accord dans l’objectif de le réviser.
En décembre 2020, lors de la 12ème session du Conseil d’association avec l’UE, l’Algérie a alors assuré que la révision de l’accord se « fait sur la base de l’équilibre », soulignant « la volonté de dialogue de part et d’autre »