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Alger

Pr Balla El Hacene: « Il faut promouvoir le recyclage des sous-produits issus de la production de l’huile d’olive »

En Algérie, les sous produits de l’olive (les grignons et les résidus liquides) ne sont ni exploités ni valorisés. Jetés comme déchets dans la nature, ces sous-produits de l’olive sont à l’origine d’une grave pollution (destruction de la vie aquatique dans les rivières et les oueds,  dégradation de  la qualité de l’eau des nappes phréatique…etc.). Nous avons interrogé à ce sujet l’expert agronome, Balla El Hacene. Il nous  explique, entre autres, ce qu’il faut faire à court et à moyen terme, avec l’implication de tous les acteurs de la filière, pour la valorisation  de ces déchets et lutter contre la pollution qu’ils génèrent.

L’Express  :   La saison oléicole a pris fin et la plupart des huileries ont cessé de fonctionner. Comme à l’accoutumée, les margines et les grignons d’olives sont jetés dans la nature. Quel est l’impact sur l’environnement de toute cette biomasse générée par la trituration des olives et qu’on retrouve déversée le plus souvent dans les oueds ? 

Balla El Hacene: Le territoire oléicole algérien compte environ 500 000 ha produisant en moyenne 800 000 hectolitres d’huile chaque année. Cependant, de nombreuses difficultés sont associées à cette activité, elles proviennent essentiellement des déchets solides et liquides  Il est donc certain de constater de visu les résidus de l’extraction de l’huile d’olive sur les abords de route, des terrains vagues et des oueds ce qui offre de prime abords une certaine discordance esthétique du paysage. En effet, les aspects noirâtres des grignons et foncés des margines dont les odeurs sont désagréables, cassent le décor de la nature. Toute l’harmonie de dame nature est ainsi compromise ; ce qui génère un sacré coup de cafard contre le moral. Ces déchets sont toxiques pour l’environnement et peuvent contaminer les sols, les nappes phréatiques et les cours d’eau à cause de leur acidité, salinité et teneur en polyphénols. Retenons que 1  litre d’huile produit 4 litres de margines et 1 litre  de margine pollue 600 litres d’eau. Il est intéressant de noter que pour 1 tonne d’huile récupérée, environ 3 tonnes de déchets sont produites.  Les margines, ou eaux de végétation, sont des effluents issus de l’extraction de l’huile d’olive ; elles peuvent atteindre jusqu’à 120 litres par quintal d’olives traité. Le pressage d’une tonne d’olives avec les modes de production modernes produit en moyenne 1,5 tonnes de margines même si cela varie avec les différents processus d’extraction : lavage préalable des olives ou non, humidification des pâtes durant le pressage. Cet effluent est très toxique, car il contient une forte teneur en polyphénol et il a une  DCO (100 à 220 kg/m3) (demande chimique en oxygène) et un TCO (carbone organique total) importants. Les substances phénoliques, en particulier l’oleuropéine, sont potentiellement toxiques et inhibent le développement de certains micro-organismes aussi bien en présence ou en l’absence d’oxygène. Toutefois, plusieurs micro-organismes sont capables de se développer sur les margines en l’utilisant comme seule source de carbone. 

Dans la plupart des pays oléicoles, les sous-produits de l’olive qui sont justement les margines et les grignons d’olives sont valorisés et rapportent d’énormes bénéfices. Pourquoi chez nous ces sous-produits sont-ils jetés avec tous les préjudices que cela cause à l’environnement ?

En dépit de la réglementaire régissant les rejets  de déchets de toutes formes et en dépit de toutes les études qui ont été menées dans le sens de la protection de l’environnement aussi bien dans le domaine des déchets ménagers, industriels ou agricoles et en dépit de la sonnette d’alarme tirée  par les scientifiques et les agents des services de protection de la nature quant à la dangerosité de la pollution issue du traitement  de l’extraction de huile d’olive, la nature reste et demeure la seule réceptacle des déchets de l’industrie oléicole sans aucun traitement préalable. Ceci est dû à l’absence totale de moyens organisationnels et financiers appropriés. Ce constat est unanime sur l’ensemble du territoire national ; les pouvoir publics n’ont pas donné  suffisamment  à ce fléau  l’intérêt qu’il mérite.

Que faire en urgence pour que ces sous-produits considérés comme des déchets chez-nous ne soient plus lâchés dans la nature et soient valorisés comme ailleurs ?

Les solutions sont bien évidemment évidentes en attendant de  se développer mieux  dans le domaine du traitement des margines. Il s’agit de réunir toutes les parties concernées, les professionnels, producteurs d’huile d’olives, l’administration professionnelle (chambre d’agriculture, l’administration du ministère de l’agriculture, de l’administration de services de l’environnement afin de discuter sur les modalités de création d’un réseau de collecte, pour le dépôt de ces déchets   dans des espaces  dédiés et leur transformation en engrais organique pour la mise en valeur des terres.  C’est l’ultime solution à court et moyen terme comme dégagement profitable pour préserver l’environnement  des margines et grignons d’olives. Les instituts techniques seront sollicités pour les modalités d’utilisation comme fumure et /ou aliment de bétail.

Les sous-produits de l’olive peuvent être utilisés dans différentes filières telle que l’agriculture, la cosmétique… qu’est-ce qui empêche des opérateurs d’investir dans ce domaine ?

 La méconnaissance de ce genre de créneau par les opérateurs économiques en est la principale cause qui découle, faut-il le dire, de l’inertie de l’administration agricole et de l’environnement pour la promotion de ce créneau. Il appartient à la chambre d’agriculture d’organsiner des journées thématiques sur ce tout ce qui se rapporte à l’utilisation des déchets de l’industrie oléicole avec des fiches techniques valorisées pour chaque créneau soit, comme engrais, comme produits de base pour la fabrication du savon de Marseille, comme substrat pour la culture des lombrics, comme appât de pèche, comme complément d’aliment de bétail… etc. 

Comme on n’a pas d’unités de valorisation des déchets oléicoles, pourquoi alors ne pas les exporter ? Exporter les grignons d’olives et les margines peut-être provisoirement une solution pour préserver l’environnement des agressions répétitives à chaque saison d’olive ? Qu’en pensez-vous ?

Cette problématique va dans le même sens que celle  évoquée dans la question précédente  car aucune plus-value n’a été détectée par les opérateurs économiques ni dans le besoin du marché interne ni dans celui du marché externe. Vulgariser ce créneau dans le monde des affaires serait des préliminaires indispensables pour sa mise en route.

Je vous laisse conclure …

 L’environnement connaît une forte détérioration de son biotope à cause des rejets anarchiques des déchets. Rajoutons à cela la sécheresse chronique qui s’est installée dans le pays  depuis une période déjà. Cette sécheresse insidieuse compromet la dynamique des échanges chimiques et organiques entre les différentes composantes de la flore et de la faune dans le sol car tous les éléments toxiques déversés dans la nature étaient jadis dissous et lessivés d’où déconcentration de la teneur de leurs toxicités. Cependant avec le syndrome de la sécheresse, les lixiviats de toutes origines, détruisent le milieu vital dans lequel ils baignent et  anéantissent ainsi toute forme de vie. L’exemple des cours d’eau, des oueds est à ce sujet très édifiant ! Leurs eaux, dans laquelle baignait des végétaux hydrophiles, de par le passé était limpide, et arrosait les plantes des rives. Les oueds et les cours d’eau  couvaient alors  des poissons  d’eau douce en leur sein et beaucoup d’oiseaux tels les canards y vivaient également.  Les gens  s ‘ y rendent  en villégiature  pour faire une partie de pêche ou pour  s ‘ y baigner ! Cependant, depuis quelques années durant lesquelles l’industrie oléicole a connu un essor considérable grâce à la modernisation de la technique de l’extraction de l’huile, les oueds ont été envahis par les déchets, ce  qui a causé une grande perte du biotope. L’eau est devenue  noirâtre et d’une odeur nauséabonde ce qui a provoqué  un dépérissement de la végétation aquatique et terrestre. Après chaque saison de production d’huile d’olive tant bénie et convoitée, c’est la mort lente qui s’abat sur les lieux où sont jetés les déchets oléicoles. Une raison majeure pour laquelle l’Etat à travers ses institutions, tel le ministère de l’environnement, est appelé  à accomplir sa mission de préservation. Quant au  ministère de l’agriculture qui a  déjà assumé sa mission en produisant de l’huile d’olive, il doit réajuster son armada réglementaire, technique et financière afin d’amortir le désastre déjà visible. L’Etat doit créer un cadre législatif adéquat pour valoriser cette filière des sous-produits à forte valeur ajoutée.

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