La guerre en Ukraine, parce qu’elle est plus une « guerre froide » entre les Russes et l’Europe occidentale, va entraîner une série de conséquences pour les Européens. Ceux-ci estiment déjà avoir été piégés par Moscou concernant leur dotation en gaz, un des éléments qui les a littéralement « ligotés » face à l’avancée russe sur le Donbass. Il n’est que lire la presse économique européenne spécialisée pour se rendre compte que l’avenir gazier des Européens en plein hiver est un des soucis majeurs des pays de l’UE, notamment l’Allemagne et l’Autriche.
De manière la plus franche, la Commission européenne a exprimé hier son souhait de se défaire du gaz russe ; mais la partie semble loin d’être gagnée, car « les capacités des autres fournisseurs restent limitées, et ne permettront pas de couper de si tôt les échanges avec Moscou ». D’autant qu’ « une rupture d’approvisionnement pourrait, in fine, bénéficier au charbon, plutôt qu’accélérer la transition énergétique », estime les meilleurs experts de la question.
De ce fait, la crise ukrainienne qui s’est aggravée, élargissant également le fossé entre l’Europe et la Russie, n’est pas exclusivement militaire, mais également gazière. Au milieu de cette « guerre du gaz», l’UE et l’OTAN compte sur l’Algérie pour arbitrer une bataille énergétique qui ne dit pas son nom.
Pour l’Europe entière, et tout particulièrement la France, « l’heure des comptes a donc sonné » : Paris s’est à la fois imposée comme interlocuteur avec Moscou pour le compte de l’OTAN, mais qui avait également refusé, par le passé, de renforcer la coopération gazière entre l’Algérie et l’Europe. Et c’est dans cet intermède que l’OTAN, qui se retrouve opposée à la Russie dans le dossier ukrainien, espère ressusciter le projet gazier euro-algérien, le MidCat.
Alliée stratégique et traditionnelle de la Russie, l’Algérie sera mise dans une situation inconfortable si la guerre perdure et provoque des dégâts encore plus importants ; toutefois, en termes économiques, elle sera surtout attentive à ses outils, ses moyens, ses alliances et sa production. C’est un ensemble qui marchera en bloc. Car en face, il y aura concurrence : les Etats Unis, le Qatar et l’Iran sont d’autres substitutifs au gaz russe. Avant la crise ukrainienne, le GNL américain tenter de déclencher une guerre des prix en Europe. Le « Wall Street Journal » dévoilait, dans son édition du 31 janvier 2022, qu’avant la crise ukrainienne, Washington avait (sans grand succès) essayé de vendre son gaz à l’Europe. Beaucoup plus cher que le gaz algérien et russe (au vu de la distance, des méthaniers et des moyens utilisés), le GLN américain est une des clés de la crise ukrainienne. A décrypter avec modération.
Depuis 2007, l’alliance gazière algéro-russe, signée entre Sonatrach et Gazprom, fournit à l’Europe plus de 27 % de son gaz. L’Algérie détient aussi huit usines de regazéification de son gaz naturel liquide (GNL), situées en Espagne et au Portugal. Plus au nord, Moscou contrôle 33 % du gaz naturel en Europe, à travers les gazoducs traversant, notamment, l’Ukraine. Un quasi-monopole de l’Algérie et de la Russie du secteur du gaz naturel en Europe.
Cette étroite relation algéro-russe inquiète l’Europe.