Il y a un mois, jour pour jour, le Maroc votait en s’abstenant, contre une résolution de suspendre la Russie du Conseil des droits de l’homme de l’organisation multilatérale. Un acte jugé comme un appui à la Russie par les alliés occidentaux du royaume marocain. Ce qui est vrai et curieux à la fois.
Ce retournement marocain n’est pas isolé. Il a été précédé par d’autres, plus intéressants. Le bras-de-force avec l’Espagne, le coup de froid avec la France, l’aigreur affichée envers l’Union européenne et la protestation outrée lors de la réunion UE-UA à propos de la présence remarquée du Sahara occidental, etc. Beaucoup de signaux forts ont fait croire que le Maroc s’inscrit dans une nouvelle reconstruction politico-diplomatique avec ses alliés traditionnels.
Ce nouveau modus operandi n’a pas échappé au Figaro dans son édition d’hier, et qui, sous le titre de « Dans quel jeu diplomatique s’est engagé le royaume du Maroc? », faisait observer que « près de dix ans après avoir formulé son plan d’autonomie pour le Sahara sans obtenir la reconnaissance internationale de sa souveraineté sur ce territoire disputé aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, le royaume marocain a radicalement changé de stratégie. Plutôt que de poursuivre son lobbying au sein des Nations unies, où le dossier achoppe sur l’impossible organisation d’un référendum, le Maroc se détourne ostensiblement de ses alliés traditionnels, trop timorés à son goût, et cherche de nouveaux soutiens à partir de 2016 ».
L’hebdomadaire français laisse les interrogations s’épaissir sans y apporter une réponse décisive. On connaît l’épisode de la normalisation avec Israël, posture qui n’a pas emmené extérieurement les résultats escomptés, tout en amplifiant et exacerbant les tensions internes. Donc, l’option européenne a été rejetée par le Maroc pour une approche plus prononcée vis-à-vis des pays africains.
N’étant pas un pays pétrolier puissant, mais profitant de sa position géographique proche de l’Espagne, le Maroc propose un passage du pétrole nigérian vers l’Europe. Le projet de ce gazoduc est un immense chantier, comme sont immenses – presque indépassables – ses défis, son coût et ses problèmes, puisque le pipeline traversera une dizaine de pays et autant d’obstacles insurmontables ; tout compte fait, il s’agit plus d’un projet plus « médiatique » que technique, et dont l’objectif est de « casser » le monopole du gaz l’Algérie.
L’autre point d’appui pour une pénétration soft en Afrique s’appelle les banques marocaines. En effet, la rapide progression des banques marocaines dans la zone Uemoa a été notée par tous les experts économiques africains. Dernière « générosité » marocaine, Bank of Africa (BOA, ex-BMCE Bank of Africa) partagera avec les investisseurs de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) d’Abidjan les 66,3 millions d’euros de dividendes dégagés par ses filiales locales (Burkina Faso, Bénin, Côte d’Ivoire, Mali, Niger et Sénégal).
Cette générosité envers les acteurs boursiers locaux sera-t-elle un rempart en cas de futurs coups durs ? Pourtant, la nette progression des banques marocaines dans la zone Uemoa fait peser sur elles des contraintes plus lourdes, dans un contexte de compétition exacerbée. Les risques ne sont jamais loin, et la fragilisation des investissements européens rend ceux du royaume plus à la merci des contrecoups d’un contexte où le moindre sou est calculé avec la rigueur de l’épicier du coin.